Shri Vishnou

Suite de la série «La reine des Upanishads».

Voir le volet précédent.

ishāvāsyam idaṁ sarvaṁ yat kiñcha djagatyāṁ djagat
téna tyakténa bhuñjithā mā gridhah kasya svid dhanam

«L’Être suprême est l’unique maître et propriétaire
de tout ce qui existe dans l’univers,
aussi bien de ce qui est animé que de ce qui ne l’est pas.
Nous devons donc accepter la part qui nous revient
et n’utiliser que ce qui nous est nécessaire,
en nous rappelant bien à qui tout appartient.»


Deux grandes énergies émanent de l’ultime source énergétique qu’est l’Être suprême: l’énergie matérielle et l’énergie spirituelle. Les éléments de la nature, comme la terre, l’eau, le feu, l’air et l’éther, sans oublier les éléments subtils que sont le mental, l’intelligence et l’ego, appartiennent tous à son énergie inférieure, ou matérielle. Et l’énergie vivante, l’âme, appartient à son énergie supérieure, ou spirituelle. Tout ce qui existe dans l’univers – les êtres animés aussi bien que la matière inerte – est donc issu de l’Être suprême, qui en est de facto seul maître et propriétaire.

De même que le feu produit de l’énergie sous forme de chaleur et de lumière, le Maître absolu est à l’origine des énergies sous-jacentes à tout ce qui existe. Énergies dont lui seul a la pleine connaissance et sur lesquelles lui seul a plein pouvoir.

Avec un peu d’intelligence – et d’objectivité –, nous pouvons facilement comprendre que rien ni personne ne nous appartient vraiment, que tout appartient en fait à l’Être suprême. Nous n’avons créé ni la terre, ni le bois, ni la pierre, ni les métaux, ni aucun autre des matériaux de base que nous utilisons dans nos constructions. Nous n’avons pas non plus créé les espèces vivantes dont nous nous nourrissons. Et nous n’avons aucunement le pouvoir de le faire!

Nous ne pouvons à vrai dire que transformer les matériaux bruts pour ensuite les assembler. Nous ne pouvons de même que récolter les céréales et cueillir les fruits et légumes que nous mangeons. Nous pouvons les cultiver à partir des graines que nous fournit la nature, mais nous sommes incapable de les «fabriquer». Le pêcheur peut pêcher les poissons qu’il mange et qu’il vend, mais il ne peut les «fabriquer». De même du chasseur et de ses proies. Comment donc pourrions-nous nous dire propriétaires de quoi que ce soit?

Tout ce que nous offre l’univers est généreusement mis à notre disposition pour nous permettre de satisfaire nos besoins, nos désirs et nos aspirations les plus profondes. L’Être suprême est en cela comparable à la vache, qui donne son lait sans compter, mais qui jamais n’en boit elle-même. La décence la plus élémentaire consiste à reconnaître à qui tout appartient vraiment, car tout ce que nous croyons nôtre ne nous est en fait que prêté pour une durée déterminée.

La part qui nous revient

L’humain a tendance à vouloir posséder et contrôler tout ce qui l’entoure, mais cette tendance engendre toutes sortes de conflits, que ce soit entre individus, entre communautés ou entre nations. Toutes les guerres naissent d’ailleurs du désir de s’approprier territoires, biens et ressources. Cette soif de domination prend aujourd’hui des proportions planétaires, à tel point que notre monde est aujourd’hui en danger.

La sagesse la plus élémentaire nous enjoint de cesser de lutter pour acquérir et accumuler des biens qui de toute façon ne nous appartiennent pas. Nous devons plutôt chercher à nous satisfaire de ce qui est nécessaire à notre subsistance, ce que ce verset appelle «la part qui nous revient». Car la surconsommation et l’exploitation effrénée de ressources naturelles limitées sans égard au respect de la nature et de son fragile équilibre ne peut que nous conduire à notre perte.

En nous rappelant bien à qui tout appartient, nous chercherons plutôt à assurer la saine intendance des ressources mises à notre disposition, et à les utiliser de façon judicieuse au profit de tous.

Une question de responsabilité

Les hommes et les femmes que nous sommes doivent utiliser leur intelligence pour comprendre l’importance de la forme humaine et des responsabilités qu’elle comporte. L’humain jouit de privilèges que n’ont pas les animaux, mais il doit aussi obéir à des règles qui ne s’appliquent pas aux animaux.

Lorsque certains animaux en tuent d’autres pour se nourrir, par exemple, ils ne commettent aucune faute; ils ne font qu’agir selon leur nature. Mais si un humain en tue un autre, ou s’il tue un animal à seule fin de satisfaire sa langue et son palais, il enfreint les lois de la nature et il doit en subir les conséquences. Car, l’humain n’est pas un animal carnivore (je vous laisse découvrir les nombreux ouvrages sur la question); ce n’est pas sa nature, et en agissant contre sa nature, il perturbe l’équilibre de la nature elle-même.

Cela dit, il ne suffit pas d’être végétarien, ni même végane, pour vivre en parfaite harmonie avec les lois de la nature, car les végétaux sont aussi des êtres vivants. Ce qui importe, c’est de reconnaître la suprématie du propriétaire et maître de tout ce qui existe et de se mettre à son diapason, comme l’enseignent de tout temps textes révélés et grands maîtres de ce monde.

Bref, si l’humain a des responsabilités alors que les animaux n’en ont pas, c’est parce que son intelligence lui permet de comprendre les lois de la nature et de s’enquérir de celui qui en assure le fonctionnement afin de servir ses desseins. Quiconque agit délibérément à l’encontre des lois de la nature, tout en refusant de reconnaître que tout appartient à l’Être suprême, commet une faute grave et s’expose par le fait même à bien des malheurs pour lesquels il n’aura que lui-même à blâmer. C’est qu’on ne se soustrait pas impunément à ses responsabilités.

Ça mérite réflexion, non?

Isha Upanishad – Mantra 1