Certains ne voient dans la spiritualité qu’un système de croyances dogmatique. Mais la science moderne, dont les détracteurs de la spiritualité se réclament, est-elle bien en mesure d’en juger?
Les Védas établissent que la spiritualité relève d’une science à part entière, au même titre que la médecine, l’astronomie et les autres disciplines dont ils traitent. Les prémisses en sont clairement définies, les méthodes rigoureusement éprouvées, et les résultats systématiquement reproductibles, ainsi qu’en témoignent Upanishads, Puranas et autres textes védiques couvrant la matière dans ses moindres détails.
Reste que beaucoup de gens pratiquent une religion ou une forme de spiritualité qui ne satisfait pas aux critères de cette science. D’où les critiques de sentimentalité, de croyance aveugle, de fabulation et de dogmatisme réducteur qu’on entend de la part d’esprits se voulant plus rationnels – critiques d’ailleurs souvent justifiées.
La science moderne, dite matérialiste, repose également sur un ensemble de critères rigoureux et éprouvés. Ses prémisses et ses méthodes ne sont pas les mêmes qu’en matière de spiritualité, et ses résultats ne se mesurent pas non plus de la même façon, puisqu’elle ne s’intéresse qu’au monde physique, alors que la science spirituelle porte sur l’énergie et la source énergétique qui sous-tendent la matière et le monde visible. Nous avons donc là deux sciences qui, plutôt que de s’opposer, sont en fait conçues pour se compléter de manière à en tirer une compréhension globale de la réalité.
Le règne du scientisme
De façon générale, les spiritualistes reconnaissent sans mal le bien-fondé de la science moderne et de son apport à la société. L’inverse n’est toutefois malheureusement pas le cas. La raison en est que depuis l’ère industrielle, la science avec un grand S en est venue à se proclamer seule détentrice du savoir, et à reléguer au rang de croyance, de superstition ou de pur produit de l’imagination toute forme de connaissance et d’expérience qui ne répond pas à ses critères. Le scientisme était né.
Plus précisément, le scientisme se définit comme la position selon laquelle la science expérimentale est la seule source fiable de savoir sur le monde, par opposition aux révélations religieuses, aux philosophies spiritualistes et à toute autre forme de savoir traditionnel ou non conventionnel. Ce qui exclut non seulement les pratiques millénaires au fondement de la spiritualité vivante, mais aussi bien les médecines ancestrales – ayurvédique, chinoise ou autochtone – que les neurosciences, à ce jour considérées, ne vous en déplaise, comme des pseudosciences par la communauté scientifique et les adeptes du scientisme. À son paroxysme, le scientisme fait l’éloge de la science comme étant le remède à tous nos maux, non seulement physiques et moraux, mais aussi socioéconomiques.
Cette position est d’autant plus navrante qu’en dépit de ses prétentions, la science expérimentale ne dispose d’aucun moyen pour déterminer ne serait-ce que la nature d’une myriade de phénomènes étrangers à ses champs d’étude, que dire de les mesurer, d’en comprendre le fonctionnement et de les manipuler de manière à obtenir des résultats systématiquement reproductibles.
La carte du monde n’est pas le monde
Dans Le tao de la physique, Fritjof Capra, physicien de renom, compare le savoir scientifique à une carte géographique: de même qu’une carte géographique nous aide à nous y retrouver dans un territoire donné, la science nous aide à nous y retrouver dans le monde physique.
Seulement, voilà! Aucune carte, si détaillée soit-elle, ne représente jamais la totalité d’un territoire et de tout ce qui s’y trouve, qu’il s’agisse de la richesse de son sous-sol, de la qualité de ses cours d’eau, des innombrables représentants de sa faune et de sa flore, ou des populations qui y vivent. D’autant moins que toutes ces données changent constamment en temps réel!
De même, le savoir dit scientifique, si vaste et complexe soit-il, ne saurait à aucun moment fournir une description complète de la réalité. Il peut sans contredit nous guider dans notre exploration et notre compréhension du monde physique, mais demeure parfaitement incapable d’expliquer d’autres réalités essentielles de notre monde, à commencer par la conscience, les émotions ou la quête de sens et d’accomplissement. Faut-il les nier pour autant, ou plutôt reconnaître que ces phénomènes et bien d’autres appartiennent à un autre ordre de réalité et relèvent d’une autre forme de science?
Theodore Roosevelt, ancien président des États-Unis et prix Nobel de la paix, mettait d’ailleurs éloquemment l’humanité en garde contre l’hégémonie du scientisme, et ce, dès le tournant du 20e siècle:
«Il y a autant de superstition en science qu’il peut y en avoir en théologie, et cela est d’autant plus nocif que ceux qui en sont atteints sont profondément convaincus de s’être affranchis de toute superstition. Aucune forme grotesque de superstition médiévale, si répugnante soit-elle, […] ne saurait être plus intolérante et plus destructrice de ce que la moralité a de plus sublime, au sens spirituel, voire de la civilisation elle-même, que le matérialisme impitoyablement dogmatique qui, de nos jours, ne se contente pas de se dire scientifique, mais s’arroge le droit exclusif d’employer ce terme même. Si ces prétentions n’affectaient que les scientifiques eux-mêmes, nous pourrions les laisser à leurs illusions et leur pardonner leur arrogance, mais le fait est qu’elles s’étendent de plus en plus à la population en général, et instillent de dangereuses normes de conduite personnelle et publique dans l’esprit des gens.»
À suivre