Diogène – Tableau de Jean-Léon Gérôme (1860)

Si vous croyez que la simplicité volontaire est une idée nouvelle, détrompez-vous. Thoreau, Tolstoï et Gandhi ont peut-être inspiré ses plus récents défenseurs, mais François d’Assise les avait précédés au 13e siècle, et Diogène bien avant lui, au 4e siècle avant notre ère!

Diogène de Sinope, élève de Socrate, est un philosophe grec contemporain de Platon et d’Aristote qui vivait dans un tonneau et passait ses journées à déambuler, vêtu de haillons, lanterne à la main, en quête d’un homme authentique. Sa philosophie : savoir se satisfaire de l’essentiel et vivre en harmonie avec la nature plutôt que de s’agiter en tous sens comme des poules sans tête à la poursuite de biens et de plaisirs futiles et fugaces.

Voyant un jour un jeune garçon boire à la fontaine avec ses mains, il jeta son écuelle et s’exclama :

« Cet enfant m’apprend que je conserve encore du superflu. »

Le principe fondamental de la simplicité volontaire consiste à réduire sa consommation globale ainsi que ses impacts sur l’environnement et la société. Elle est généralement motivée par un désir de vivre en accord avec des valeurs familiales, communautaires ou écologiques tenues pour essentielles.

Un choix raisonné

En poursuivant nos recherches, nous découvrons que les valeurs et les principes au fondement même de la simplicité volontaire ponctuent l’histoire de l’humanité bien avant l’avènement de Diogène. On les retrouve jusque dans la plus ancienne des Upanishads, qui date de plusieurs milliers d’années et qui pousse le concept encore plus loin :

« L’Être suprême est l’unique maître et propriétaire de tout ce qui existe dans l’univers, aussi bien de ce qui est animé que de ce qui ne l’est pas. Nous devons donc accepter la part qui nous revient et n’utiliser que ce qui nous est nécessaire, en nous rappelant bien à qui tout appartient. »

Isha Upanishad, 1

Cette strophe admet d’emblée la suprématie de l’Absolu dans sa forme personnelle, au-delà de ses manifestations localisées et impersonnelles. De fait, tout ce qui existe procède du Divin et lui est subordonné, aussi bien la terre, l’air et l’eau que les êtres vivants et les objets inanimés.

On compare l’Absolu au feu, et tout ce qui existe, à la lumière et à la chaleur du feu. Tout relève de l’énergie matérielle ou de l’énergie spirituelle, et toutes deux ont pour source énergétique celui qu’on nomme ici l’Être suprême. Toute énergie doit en effet avoir une source, et la source première de toutes les énergies en est seule maîtresse et propriétaire.

« Outre l’énergie matérielle, inférieure,
il est une énergie supérieure qui M’appartient également.
Elle est constituée des êtres vivants
qui exploitent les ressources de la nature matérielle. »

Bhagavad-gita, 7.5

Ayons donc la sagesse d’admettre à notre tour qu’en toute intelligence, rien ne nous appartient en propre. Nous n’avons créé ni le bois, ni la pierre, ni les métaux que nous utilisons pour nos constructions; nous ne pouvons qu’en modifier la forme et les assembler. Nous n’avons non plus créé aucune céréale, aucun fruit ou légume, ni aucun des autres aliments qui assurent notre survie; nous ne pouvons que les cueillir ou les cultiver et les récolter.

L’Isha Upanishad nous le rappelle d’ailleurs en termes clairs : tout ce qui nous est essentiel est gracieusement mis à notre disposition par le seigneur et maître de tout ce qui existe. La simplicité volontaire gagne dès lors en profondeur lorsqu’elle nous amène à vivre non seulement plus simplement, mais aussi et surtout plus consciemment, dans une conscience élargie du fait que nous dépendons entièrement de la Source primordiale de l’animé comme de l’inanimé.

Une vie simple et de hautes pensées

Nos sociétés modernes, où la réussite se mesure en pouvoir et en argent, favorisent la surexploitation des ressources naturelles, la surconsommation et la croissance à tout prix au détriment d’une vie en harmonie avec notre mère la terre, avec nos frères et sœurs humains, ainsi qu’avec la Source intarissable de tous les bienfaits.

Nous arrivons nus en ce monde, et nous en repartons nus. Nous n’apportons rien avec nous en naissant, et nous n’emportons rien non plus en mourant. Est-ce à dire que nous devrions nous priver de tout confort? Ne jurer que par le 100 % fait main et fait maison? Nous interdire tout déplacement autre qu’à pied, à cheval ou à vélo? Pas nécessairement.

Tant mieux si vous pouvez produire votre propre nourriture et fabriquer tout ce que vous utilisez, mais tout le monde n’a pas la même vision de la simplicité. Ce qui importe vraiment, c’est d’apprendre à nous contenter de ce qui nous vient sans efforts excessifs; c’est de dégager du temps et de l’énergie pour développer la dimension spirituelle de notre être et pour apprendre à mieux connaître la Source de toutes les richesses mises à notre disposition.

Une vie plus simple, oui, mais d’abord et avant tout pour élever nos pensées au-delà des considérations matérielles, qu’elles soient d’ordre familial, communautaire ou écologique.

Simplicité volontaire