Êtes-vous de ceux et celles qui prennent les saintes Écritures et autres textes sacrés au pied de la lettre, qui cherchent plutôt à en saisir l’esprit, ou qui n’y voient que matière à lavage de cerveau?

Dans The Lost Art of Scripture – Rescuing the Sacred Texts (L’art perdu des Écritures – À la rescousse des textes sacrés), Karen Armstrong, ancienne religieuse et prolifique auteure britannique, propose une approche renouvelée aux écrits anciens que sont la Bible, le Coran, les Védas ou autres, et déclare sans ambages :

« Compte tenu de nos problèmes actuels, la foi des Écritures dans le potentiel divin
de tous les êtres humains semble plus pertinente que jamais. »

L’intérêt réel des enseignements dits « révélés » transcende en effet largement les époques et les guerres de clocher dont ils font les frais.

Ces mots qui enflamment

Intégristes, puristes et extrémistes ne jurent que par ce qui est écrit – textuellement – et y prennent appui sans réserve pour justifier les pires abominations, qu’il s’agisse, pour ne citer que ces deux exemples, d’asservir la gent féminine ou de tuer tous les méchants infidèles.

Pas étonnant qu’islamophobes, libres penseurs et autres profanes citent les mêmes écrits – textuellement – pour les taxer qui de misogynie, qui de bigoterie, sinon de fanatisme religieux, les jugeant du même souffle complètement dépassés. Mais Karen Armstrong, qui épluche le sujet de l’intérieur comme de l’extérieur, nous assure que les deux camps font fausse route :

« Trop de croyants et d’incroyants prêtent obstinément aux textes sacrés un sens littéral qui s’écarte passablement de l’esprit mystique et inventif propre à la spiritualité prémoderne. »

Armstrong donne en exemple la description biblique de la création : parce qu’elle ne concorde pas avec les plus récentes découvertes scientifiques, les activistes athées ne voient dans la Bible qu’un ramassis de fables et de mensonges, tandis que les croyants purs et durs font des pieds et des mains pour démontrer que la version de la Genèse est scientifiquement fondée.

Toutes les Écritures du monde donnent lieu à d’incessants affrontements idéologiques qui détournent les textes de leur objet et leur donnent inutilement mauvaise presse. Or, tous ces vains débats portent sur la lettre des écrits tenus pour sacrés, alors que leur richesse réside dans leur esprit.

Poids et contrepoids

Armstrong insiste sur le fait que les Écritures ne doivent pas a priori être interprétées de façon rigide et strictement littérale, que ce soit en chaire ou entre les murs d’une bibliothèque. Les Écritures sont en réalité contextuelles, flexibles et évolutives, si bien qu’elles relèvent davantage de performances artistiques que de simples livres.

« Le mot “Écriture” sous-entend bien sûr un texte écrit, mais la plupart des Écritures ont initialement été composées et transmises par voie orale. Certaines traditions accordent même plus d’importance au son des mots inspirés qu’à leur signification sémantique. Les Écritures étaient d’ailleurs généralement récitées, chantées ou déclamées sur un mode distinct du langage courant, si bien que les mots – produits par l’hémisphère gauche du cerveau – fusionnaient avec les émotions plus subtiles du cerveau droit. »

La tradition védique insiste en outre sur le fait que les Écritures ne doivent pas être sèchement étudiées en vase clos. Aussi claires qu’elles puissent sembler au premier degré, elles comportent toujours une part d’hermétisme, d’apparentes contradictions et des affirmations déroutantes, voire choquantes hors contexte. C’est pourquoi il est recommandé de confronter sa lecture personnelle aux enseignements d’autorités compétentes en la matière. Plus encore, la teneur essentielle des textes et l’éclairage des maîtres doivent trouver écho dans le cœur. Une juste compréhension des Écritures exige en effet une saine convergence de ces trois éléments.

De quoi nous faire réfléchir avant de penser bêtement en noir et blanc au moment d’aborder les textes fondateurs des grandes traditions spirituelles…

Au-delà des mots