Photo de Pierre Bamin

Il fut un temps où la tradition orale suffisait à assurer la transmission des savoirs. Compte tenu de l’étendue incalculable des connaissances actuelles, et bien sûr des limites de nos mémoires individuelles, l’écrit est toutefois devenu incontournable. Mais son pouvoir ne se limite pas à assurer la pérennité des paroles et des pensées.

Le fait est que la plus grande partie de la communication entre humains demeure verbale. Que ce soit pour informer, lancer des idées, échanger cordialement ou exprimer ses émotions, la parole reste un instrument de choix. Mais l’écrit n’a pas dit son dernier mot!

«Les paroles s’envolent, mais les écrits restent», dit le proverbe. L’écrit supplante en outre l’oral à certains égards auxquels on ne pense pas forcément. Le journaliste, blogueur et auteur James Clear s’en penché sur la question.

Dans un de ses articles (en anglais), il souligne plus précisément que toute idée suffisamment différente de notre conception du monde devient menaçante. Et qu’un environnement approprié pour aborder posément une telle idée doit être non menaçant. Ainsi l’écrit s’avère-t-il souvent plus efficace à changer les croyances qu’une simple conversation ou un débat.

Dans le cadre d’une conversation, les gens sont particulièrement conscients de leur image et de leur position. Ils ne veulent pas avoir l’air idiots, et font tout pour sauver la face. Par conséquent, lorsqu’ils se sentent confrontés à des vérités ou des arguments avec lesquels ils ne sont pas à l’aise, ils ont naturellement tendance à s’entêter plutôt qu’à admettre qu’ils ont tort.

L’écrit dissipe cette forme de tension. Lorsqu’on lit, la conversation se déroule dans notre tête, sans risque d’être jugé par qui que ce soit. On n’a donc pas à être sur la défensive, si bien qu’on devient plus facilement réceptif et ouvert à de nouvelles idées.

Monsieur Clear ajoute que l’argumentation verbale agit comme une attaque frontale sur l’identité de son interlocuteur. L’écrit s’infiltre au contraire en douceur dans le cerveau du lecteur ou de la lectrice. Il s’y dépose comme une graine qui peut alors librement pousser à son gré. Une personne appelée à reconsidérer son système de croyances ou sa vision du monde est déjà suffisamment en lutte avec elle-même. Elle n’a surtout pas besoin d’entrer simultanément en conflit ouvert avec la personne qui lui soumet une nouvelle façon de penser.

Un mélange équilibré

Il ne faut certes pas s’interdire de discuter pour autant. Mais il est souvent utile de se familiariser avec un sujet, une question ou un enjeu pour être en mesure d’en débattre intelligemment et sobrement, sans s’exposer à d’inutiles blocages émotifs. Et l’écrit devient alors, une fois de plus, très précieux.

En matière de spiritualité, trop de gens traitent de notions dont ils n’ont qu’une connaissance très superficielle, sinon tout à fait erronée. Il en résulte inévitablement des prises de bec et des confrontations qui font toujours plus de mal que de bien.

Pour échapper à pareilles situations, certains choisissent de se taire et de rester dans leur coin. Mais il y a mieux à faire. Le silence est peut-être d’or dans certaines circonstances, mais il ne donne pas lieu à des échanges très dynamiques ou inspirants. Lorsqu’on souhaite poser des questions intelligentes ou présenter des arguments pertinents, il est de loin préférable d’être bien préparé. Et il n’y a pas meilleure préparation que la lecture d’écrits faisant autorité en la matière.

Beaucoup s’en tiennent au verbal par paresse. Il est sans doute plus facile de rester dans sa zone de confort, de parler de ce qu’on sait déjà et d’opposer ses croyances à toute proposition divergente venant de l’extérieur. Mais on se prive alors de la richesse de l’écrit et de tout ce qu’il nous permet d’apprendre. De la richesse, aussi, d’échanges verbaux plus constructifs qui peuvent eux-mêmes beaucoup nous apprendre.

Pour toutes ces raisons, je ne peux que vous encourager à marier la force tranquille de l’écrit à la vivacité sentie du parler. Aussi bien pour vous instruire que pour vous exprimer! Vous y trouverez une combinaison gagnante.

La force tranquille de l’écrit