Traduction : Je suis lâche, paresseux, orgueilleux, ingrat, égoïste, irresponsable, hypocrite ou inconscient… C’est selon.

Cette phrase couramment entendue vient rarement seule. Elle suit en effet le plus souvent une déclaration de foi.

Je crois que Dieu existe, mais je ne suis pas pratiquant.

Je crois en Jésus, Allah ou Bouddha, mais je ne suis pas pratiquant.

Dieu ou pas, je crois en une forme d’intelligence supérieure, mais je ne suis pas pratiquant.

Je crois qu’il y a quelqu’un ou quelque chose au-dessus de nous, mais je ne suis pas pratiquant.

Vous excuserez ma franchise, mais tout cela est franchement aussi ridicule que de dire:

Je crois en l’amour, mais je ne suis pas pratiquant.

Je crois en la vie, mais je ne suis pas pratiquant.

J’admire les splendeurs de la nature et la grandeur de l’univers, mais je ne suis pas pratiquant.

Comment peut-on prétendre avoir un tant soit peu de considération pour quelqu’un ou quelque chose, et se contenter de rester sur le banc les bras croisés? L’amour ne surgit pas d’une vague impression ou d’une bête croyance; il se cultive, se développe et s’entretient. Croire en la vie, ce n’est pas regarder le train passer, c’est s’investir, s’impliquer, s’engager; c’est en vivre pleinement chaque instant. La nature et l’univers ne sont pas non plus que des spectacles à regarder passivement ou des commodités à utiliser nonchalamment; si nous en apprécions le moins du monde la richesse et la majesté, nous ne pouvons qu’y prendre une part active, les respecter, les protéger et en assurer la saine intendance à la hauteur de nos moyens et de nos capacités.

Ne pas confondre pommes et carottes

Eh bien, que cela nous plaise ou non, il en est exactement de même de ce quelqu’un ou quelque chose d’indéfinissable dont on pressent l’existence, en qui ou en quoi l’on croit un peu, beaucoup ou passionnément, et qu’on appelle Dieu, l’Absolu, l’Univers ou la Vie, faute de mieux.

Dire «Je ne suis pas pratiquant», ça veut souvent dire «Laissez-moi tranquille avec ça.», «Je n’ai pas vraiment le temps de penser à ça.», ou «Je veux bien y croire, mais je préfère ne pas me casser la tête avec ça.» Ça peut aussi vouloir dire «Les avis sont partagés sur la question; je préfère donc me faire ma propre idée là-dessus.» ou «J’y crois, mais je n’adhère à aucune religion ni à aucune pratique religieuse.»

De fait, le problème vient souvent de ce qu’on associe la spiritualité aux religions. Beaucoup sont prêts à se conforter de l’existence d’une dimension spirituelle et d’un au-delà, mais rejettent toute affiliation à une religion établie. Or, bien que toutes les religions reposent sur le spirituel, la spiritualité n’appartient à aucune religion en soi, pas plus que l’amour ou la vie ne dépendent d’une religion particulière.

La spiritualité fait partie intégrante de nous. Elle est au fondement de notre identité primordiale, de notre nature profonde et de notre raison d’être. Un être vivant N’EST PAS un cerveau sur deux pattes, IL A un cerveau. Un cerveau sans vie ne pense pas, n’a pas d’émotions ni de sensations. Un cerveau n’a pas d’âme. Seule une âme incarnée peut avoir un cerveau.

Lorsqu’on en prend conscience et qu’on soupçonne l’existence d’une intelligence cosmique, d’une présence universelle ou d’un quelconque concept divin dans les coulisses de la vie, il devient aberrant de se dire «non pratiquant»; de ne faire aucun effort pour regarder plus loin que le bout de son nez afin d’y voir plus clair; de rester bêtement planté là comme un légume en attente d’eau et de lumière.

Savoir s’assumer

Une personne qui n’a rien à faire du soi, du Divin ou de l’alpha et de l’oméga ne voit aucune raison de se dire non pratiquante. Elle s’affaire simplement à assouvir ses envies et ses besoins corporels, émotionnels et intellectuels sans se soucier le moins du monde de ce qui dépasse sa conception matérielle de l’existence.

Seule une personne ayant un intérêt, si ténu soit-il, pour la chose spirituelle, pour sa condition immanente, pour le sens de la vie, pour l’origine et la fin de tout ce qui existe, peut exprimer sa foi naissante en quelque chose qui la dépasse tout en prenant la peine de préciser qu’elle n’est pas pratiquante. Or, se dire croyant en quoi que ce soit et non pratiquant, c’est tenter de camoufler son ignorance et son indolence pour se donner bonne conscience et bien paraître en société. C’est avouer sa paresse à chercher des réponses probantes. C’est refuser de s’engager à prendre les moyens nécessaires pour parfaire activement son existence au-delà du simple maintien de son corps entre la naissance et la mort.

Le fin mot de l’histoire, c’est que si je me déclare non pratiquant tout en me réclamant d’une quelconque forme de spiritualité, je m’illusionne moi-même et je trompe les autres. La spiritualité ne se subit pas comme un rêve, elle se vit bien éveillé. Par des réflexions ciblées. Par des lectures inspirées. Par des questions pertinentes. Par des échanges vivifiants. Par des gestes transcendants et des activités… spirituelles.

La spiritualité n’est pas une abstraction. La spiritualité se vit et se pratique. Il n’existe pas d’âmes réellement sensibles à la spiritualité sans la pratiquer d’une façon ou d’une autre. La vérité, c’est qu’une personne qui se dit spirituelle mais «non pratiquante» n’a tout simplement pas de spiritualité. Elle peut toujours se bercer de belles paroles et de pensées réconfortantes, mais sa spiritualité reste purement onirique.

Suis-je toujours prêt à me dire non pratiquant? La question mérite réflexion.

«Je ne suis pas pratiquant»