Chaitanya entouré de ses principaux compagnons
Nityananda (en bleu), Gadadhar (en rouge), Advaita (cheveux blancs) et Shrivas (tête rasée)


Dans la foulée de Bouddha et des grands maîtres qu’ont été Shankara, Ramanuja et Madhva, le 15e siècle a vu naître un réformateur emblématique du nom de Chaitanya dont l’influence continue de s’étendre à ce jour.

Depuis la plus haute antiquité, l’Inde s’est imposée comme le berceau de la spiritualité dans ses formes les plus riches et les plus variées. Il suffit de penser à ses innombrables temples sans âge, à ses multiples rivières et textes sacrés, ou à ses mystiques sages et yogis. Cette gloire s’est toutefois peu à peu étiolée à partir du début du kali-youga – l’âge de fer védique –, il y a maintenant quelque 5000 ans.

La détérioration de sa fibre spirituelle a graduellement affaibli la société indienne de l’intérieur, et permis à de nombreux envahisseurs successifs de piller ses trésors et de ravager son territoire. Des milliers de temples ont ainsi été détruits, et des centaines de milliers de personnes se sont vu contraintes d’adopter la culture et la religion de leurs nouveaux dirigeants sous peine d’être exécutés. Beaucoup restaient intimement fidèles à leur longue tradition spirituelle, mais dans la peur constante d’être persécutés.

Le climat général s’est en fait corrompu au point où les populations ont dû composer non seulement avec les envahisseurs étrangers, mais aussi avec leurs propres brahmanas. Ces derniers, agissant comme prêtres, précepteurs et conseillers à tous les échelons de la société, en sont en effet venus à abuser de leur pouvoir. Comment? En instaurant un système de castes hautement rigide qui leur permettait d’exploiter leurs ouailles et d’exercer un contrôle sans précédent sur les moindres aspects de la vie du peuple.

Les pratiques spirituelles axées sur le développement de la conscience, la connaissance de l’Absolu et la pleine réalisation de soi ont alors été largement remplacées par des rituels contraires à l’esprit des Védas, inclusion faite de sacrifices d’animaux qui n’ont pas tardé à se répandre. De nouvelles lois promulguées par les brahmanas de caste interdirent entre autres les activités de culte dans les temples, le chant de mantras et l’étude des Védas. Ils s’autoproclamèrent les représentants bénis de Dieu, seuls autorisés à accorder le salut!

Lente et pénible remontée

Bouddha a réussi à corriger une partie de ces errements vers le 5e siècle avant notre ère, notamment en répudiant les Védas pour mettre fin à l’abattage massif d’animaux sous prétexte de sacrifices védiques (voir La mission secrète de Bouddha).

Shankara a par la suite, au 8e siècle de notre ère, amorcé la restauration de l’autorité des Védas, quoique sous un angle strictement impersonnaliste, afin de contrer l’athéisme bouddhiste prévalent à l’époque (voir Connaissez-vous Shankara?).

Puis, au 11e siècle, Ramanuja ajouta sa pierre à l’édifice en ramenant à l’avant-plan l’orientation personnaliste des Védas, suivi de Madhva au 13e siècle, qui se rapprocha encore plus de la vision intégrale des textes révélés. Mais au 15e siècle, avec quelques envahisseurs de plus et un système de caste plus strict que jamais, rien n’allait encore pour le mieux au royaume des fakirs.

Le contexte était mûr pour une véritable renaissance sociale et spirituelle. Fait intéressant, cette renaissance survient en parallèle à la renaissance littéraire, artistique, philosophique et religieuse qui se fait alors jour en Europe. Et elle prend son envol à l’instigation d’un réformateur d’exception qui parvient à renverser l’ordre établi, à remettre les pendules à l’heure et à poser les jalons d’une ère nouvelle. Son nom: Chaitanya Mahaprabhou.

Une venue annoncée de longue date

Tandis que Bouddha et Shankara étaient des avatars investis de pouvoirs spécifiques pour préparer le terrain de la grande renaissance à venir, Chaitanya – connu comme l’avatar doré en raison de sa complexion – était en réalité Bhagavan Shri Krishna en personne apparu sous les traits d’un bhakti-yogi.

Le Bienheureux explique en effet, dans la Bhagavad-gita:

«D’âge en âge, chaque fois qu’il devient impératif de rétablir les principes de la spiritualité en quelque endroit de l’univers, je descends en personne.»

Bhagavad-gita 4.7-8

Comme tous les grands avatars, sa venue avait d’ailleurs été annoncée dans de nombreux textes védiques, dont les suivants:

«Après être apparu sous la forme de l’avatar mi-homme mi-lion dans le satya-youga, sous celle de Ramachandra dans le treta-youga et dans sa forme originelle de Krishna dans le dvapara-youga, le Maître de l’univers descendra sur terre sous les traits de Chaitanya dans le kali-youga

Nrisingha Purana

«Dans l’âge de Kali, le Seigneur des seigneurs descendra sur terre avec son entourage pour répandre le chant du grand mantra des saints noms.»

Shrimad-Bhagavatam

«Au début de l’âge de Kali, j’apparaîtrai à Mayapur, dans la région de Navadvip, comme le fils au teint doré de Shachi.»

Garuda Purana

«Le jour de la pleine lune du mois de Phalguna (février-mars), j’apparaîtrai comme le fils de Shachi et du brahmana Purandar. Afin d’inviter les peuples à embrasser la voie de la bhakti, j’accepterai l’ordre du renoncement et deviendrai connu sous le nom de Krishna Chaitanya.»

Vayu Purana

«Bien qu’intérieurement je sois Krishna, je me manifesterai sous l’apparence d’un humain au teint doré.»

Skanda Purana

Tel qu’annoncé, Chaitanya vit le jour dans la circonscription de Navadvip, alors la capitale du Bengale, en la demeure de Purandar Mishra et de son épouse Shachi le jour de la pleine lune du mois de Phalguna de l’an 1486, environ 4500 ans après le début du kali-youga (dont la durée est de 432 000 ans).

Compte tenu de sa mission particulière, qui consistait à établir la méthode de réalisation spirituelle adaptée à notre époque en mettant le point final à l’entendement philosophique de la Vérité absolue et en exemplifiant la pratique du yoga de l’amour universel, Chaitanya n’a jamais dévoilé son identité divine. Ses proches contemporains et ses biographes de la première heure ont toutefois confirmé que son apparence distinctive, ses traits corporels, ses attributs personnels et ses activités correspondaient en tous points aux descriptions données dans les Écritures.

Dans un deuxième volet, nous verrons plus en détail la façon dont Chaitanya Mahaprabhou a marqué son époque et légué un héritage inestimable aux générations à venir.

À suivre…

Chaitanya – L’avatar doré (1/2)