Un peu d’écologie pratique, ça vous dit? Rassurez-vous, je ne vais pas vous parler de l’augmentation du prix de l’essence et de vos factures d’électricité, mais plutôt du coût caché des énergies que nous utilisons en tant que société et qu’individus.

Depuis la fin du 18e siècle, où l’humanité est passée, en quelques décennies à peine, d’une économie essentiellement agraire à une économie axée sur la production de biens manufacturés à grande échelle, la demande en énergie n’a cessé de croître.

Les développements liés à la fabrication et à l’utilisation de technologies et d’outils de plus en plus sophistiqués et performants ont exigé un apport en énergie de plus en plus important, jusqu’à atteindre des niveaux disproportionnés. Pour ne citer qu’un exemple, les centres de données des grandes entreprises nombreuses à s’être établies en Irlande (notamment en raison de ses faibles taux d’imposition) consomment aujourd’hui à eux seuls près de 20% de l’électricité du pays tout entier! Et avec l’essor fulgurant de l’intelligence artificielle, ce pourcentage est appelé à exploser non seulement en Irlande, mais dans tous les pays industrialisés.

La nature de l’humain étant ce qu’elle est, l’humanité a de tout temps cherché non seulement à s’adapter à son environnement naturel, mais à exploiter toujours davantage ses précieuses ressources dans sa quête d’un monde meilleur. Or, plus nos sociétés se complexifient, plus elles ont besoin d’énergie pour assurer le maintien et le bon fonctionnement de leurs structures. Qui plus est, tous les moyens mis en œuvre pour extraire, capter, canaliser, stocker et distribuer l’énergie nécessaire à notre mode de vie actuel nécessitent des installations dont la construction et l’entretien exigent eux-mêmes de plus en plus d’énergie. Et pour comble, les appareils que l’énergie permet d’utiliser, de la simple ampoule électrique aux ordinateurs les plus puissants, en passant par la myriade de véhicules terrestres, maritimes et aériens qui sillonnent la planète, doivent tous être périodiquement remplacés, si bien que nous produisons de plus en plus de déchets dont la récupération, le recyclage ou la destruction nécessite également de plus en plus d’énergie.

Il y a des limites à tout

Le grand hic dans tout ça, c’est que la demande en énergie ne cesse de croître alors que les sources d’énergie fossile qui ont mis des millions d’années à se constituer, et dont nous dépendons encore à 85% (eh oui!), ne sont pas inépuisables. Contrairement à ce que certains semblent croire, elles ne sont pas non plus renouvelables, ni substantiellement remplaçables dans un avenir suffisamment rapproché pour répondre à nos besoins. Et lorsque l’énergie de toutes sources confondues viendra à manquer pour alimenter tout ce que nous avons créé, c’est tout le château de cartes qui s’écroulera. La vie cessera brutalement d’être ce qu’elle a été.

Les lois de la thermodynamique sont formelles: plus la complexité des structures productrices d’énergie augmente, plus ces structures doivent elles-mêmes consommer de l’énergie, et plus elles consomment d’énergie, plus elles génèrent d’entropie, ou de désordre.

Pollution, dérèglements climatiques, catastrophes naturelles et hausse du niveau des mers en passe d’engloutir villes et vastes pans de territoire ne sont que les signes avant-coureurs de ce qui pointe à l’horizon. Nombre d’experts estiment d’ailleurs que nous sommes d’ores et déjà entrés dans l’ère de l’anthropocène, soit celle de la sixième grande extinction, celle-là induite par l’activité humaine.

Une question de choix

Ce qui m’interpelle dans ce dossier – au-delà du sort de la planète et de l’humanité –, c’est l’éminent parallèle entre les principes thermodynamiques à l’œuvre aussi bien à l’échelle individuelle qu’à l’échelle collective. Ce qui se passe à l’échelle de l’humanité n’est en effet que le reflet de ce qui se passe à l’échelle de l’individu. Autrement dit, nos choix de société et les multiples désordres qui en découlent (sociaux, économiques, politiques, climatiques, écologiques et autres) ne sont que la somme de nos choix et de nos errements individuels (à tout le moins ceux du plus grand nombre). Pour paraphraser Hermès Trismégiste: «À l’extérieur, comme à l’intérieur.»

La beauté de cette équation, c’est qu’en améliorant notre propre sort, nous pouvons simultanément améliorer celui de la planète et de l’humanité. Ce qui nous ramène à nos choix de vie les plus fondamentaux, non seulement en ce qui a trait à ce que nous consommons et à la façon dont nous le consommons, mais aux énergies que nous utilisons et déployons.

Si j’utilise toutes mes ressources personnelles et toutes les énergies à ma disposition à seule fin de satisfaire mes ambitions et mes désirs de jouissance sensorielle, émotionnelle et intellectuelle, je limite ma sphère d’activité au champ strictement matériel. Ce qui veut dire que les lois de la thermodynamique agissent de telle sorte que plus je déploie d’énergie et d’efforts pour parvenir à mes fins, plus je dois consommer d’énergie à l’intérieur et à l’extérieur de moi-même, augmentant du coup l’entropie, ou les désordres, que je génère. Désordres d’ordre émotif et psychologique, stress excessif, problèmes de santé, difficultés financières et interrelationnelles, mais aussi désordres écologiques directement issus de ma consommation de biens, de ressources et d’énergies extérieures.

D’une pierre deux coups

Contrairement aux animaux, notre chère forme humaine nous donne cependant la possibilité de répartir nos énergies entre la satisfaction de nos besoins et désirs matériels d’une part, et, d’autre part, la quête de notre identité réelle et de notre rapport à l’Absolu dans le cadre d’une démarche résolument axée sur la réalisation spirituelle.

Du coup, plus nous accentuons nos efforts pour nous réaliser aussi bien spirituellement que matériellement, plus nous équilibrons notre existence et plus nous réduisons les désordres que nous sommes susceptibles de créer à l’échelle personnelle comme à l’échelle de la collectivité… et de la planète. C’est gagnant-gagnant.

Nous avons donc tout intérêt à accorder plus de temps à notre vie intérieure et à multiplier les activités «carboneutres» qui favorisent l’entendement de nos origines, de notre raison d’être et de notre finalité, et qui nous rapprochent d’une santé, d’une paix et d’un bonheur durables propres à rayonner tout autour de nous. Et ce, il va sans dire, avant que toutes nos réserves d’énergie personnelles soient épuisées et que sonne le glas!

Du coût énergétique de nos choix de vie