Le sage Shoukadéva enseigne la sagesse védique au roi Parikshit.

Les Védas sont si vastes et leur structure est si inhabituelle pour un esprit occidental que tout étudiant, si sincère soit-il, aurait bien du mal à s’y retrouver sans l’aide d’un maître qualifié. Un judicieux résumé peut toutefois nous fournir les repères nécessaires à une meilleure compréhension d’ensemble de cette somme de savoir.

Le plus récent avatar divin venu sur Terre – Chaitanya Mahaprabhou (1486-1533) – a fait un travail sans précédent pour ce qui est d’exposer l’essence du savoir philosophique et spirituel des Védas au profit de notre époque. Ce savoir s’articule autour de trois axes:

• la connaissance de l’Absolu, de ses énergies et des relations qui les unissent (sambandha);

• les principes de vie et les pratiques qui découlent de cette connaissance (abhidheya);

• le but ultime de l’existence, que ces principes et pratiques permettent d’atteindre (prayojana).

Compte tenu des multiples ramifications et subtilités connexes à ces trois axes, certains maîtres dans la lignée de Chaitanya ont eu la brillante idée d’en synthétiser l’essence à l’intention de leurs disciples. Ainsi en ont-ils réuni les éléments clés pour ensuite les ordonner sous forme d’énoncés descriptifs clairs et concis faciles à retenir. On salue tout particulièrement les efforts en ce sens de Shrinatha Chakravarti et Vyasatirtha – contemporains de Chaitanya –, de Baladeva Vidyabhushana (v. 1700-1793) et, plus près de nous, de Bhaktivinode Thakour (1838-1914), qui a su amalgamer et affiner les nomenclatures de ses prédécesseurs.

En résulte un condensé des 10 principes, ou vérités ontologiques au fondement même de la pensée védique. Condensé ici présenté dans sa forme synthétique et assorti de brèves annotations explicatives. Rappelons-nous cependant que ce résumé ne représente que la pointe de l’iceberg de la science spirituelle des Védas. Chaitanya a su en extraire la quintessence et en exposer les diverses facettes avec force détail au fil de son enseignement, et Bhaktivinode a lui-même consacré 10 chapitres de son Jaiva Dharma aux vérités énoncées ci-dessous. Grâce à ces développements, et bien entendu aux textes d’origine, dont les Upanishads, la Bhagavad-gita et le Shrimad-Bhagavatam, toute personne désireuse d’approfondir la question aura amplement l’occasion de le faire.

Les 10 vérités ontologiques
au cœur de la pensée védique

1.   Les Védas constituent la source scripturaire de référence en matière de vérité ontologique, et les neuf principes qui suivent en révèlent l’essence.

Le savoir s’acquiert par expérience directe, par raisonnement ou par l’approche d’une source sûre, cette dernière étant tenue pour le moyen le plus probant de connaître la vérité. Les Védas sont considérés comme la source par excellence du fait de leur teneur révélée, validée et transmise intégralement par une succession de maîtres certifiés.

2.   Le Bienheureux incarne la Vérité suprême et absolue.

Le Bienheureux désigne Bhagavan, qu’on appelle aussi Krishna – l’Infiniment Fascinant –, en ce qu’il possède dans leur plénitude les six formes d’excellence que sont la beauté, la richesse, la puissance, la gloire, la connaissance et le renoncement. Les Védas expliquent que l’Absolu se présente sous trois aspects: un aspect impersonnel (Brahman), un aspect localisé (Paramatma) et un aspect personnel (Bhagavan), qualifié de Brahman suprême, dont la forme originelle est celle de Krishna et dont les innombrables émanations personnelles sont connues sous le nom de Hari, Narayana, Vishnou et une infinité d’autres noms.

3.   Le Bienheureux est seigneur et maître de toutes les énergies, matérielles et spirituelles.

Krishna Bhagavan est à l’origine de l’énergie spirituelle, ou interne – personnifiée par Radha, la contrepartie féminine du Divin –, et de l’énergie matérielle, ou externe – personnifiée par Maya, maîtresse du pouvoir d’illusion –, et lui seul a le plein contrôle de l’une comme de l’autre. Ne connaissant que les manifestations de la seconde, certains philosophes prétendent que le monde matériel n’est lui-même qu’une illusion, mais l’énergie matérielle est bel et bien réelle. On ne la dit illusoire que dans la mesure ou ses manifestations sont temporaires, successivement créées et détruites dans un cycle sans fin, de sorte qu’elle n’a pas de réalité durable.

4.   Le Bienheureux est la source et le réservoir de toutes les variétés d’échanges spirituels et transcendants.

Krishna Bhagavan et ses différentes émanations personnelles accueillent et entretiennent toutes les formes de relations possibles avec les myriades d’êtres vivants. Tout n’est pas un, comme le prétendent certains philosophes; la variété est inhérente à la vie.

5.   Les êtres vivants sont des émanations fragmentaires du Bienheureux, distinctes de lui.

Toutes les âmes individuelles demeurent éternellement distinctes de l’Absolu sous ses différents aspects. Infinitésimales, jamais elles ne deviennent elles-mêmes Dieu, qui est infini, et jamais elles n’en viennent à ne plus faire qu’un avec lui comme le prétendent certains maîtres à penser.

6.   Les êtres vivants sont sujets à subir l’influence de l’énergie matérielle.

On qualifie de conditionnées les âmes qui développent et entretiennent une conception matérielle de l’existence sous l’influence de l’énergie externe et illusoire.

7.   À l’état libéré, les êtres vivants ne sont pas influencés par l’énergie matérielle.

On qualifie de libérées les âmes qui ne cèdent pas à l’influence de l’énergie externe et illusoire, ou qui parviennent à s’y soustraire en vivant conformément à leur nature spirituelle. La véritable libération consiste à jouir éternellement de l’existence auprès du Bienheureux, et non à se fondre dans l’Absolu.

8.   Tout est inconcevablement à la fois différent et non différent du Bienheureux.

Tout ce qui existe émane de l’Absolu et participe de sa nature, ne faisant ainsi qu’un avec lui sur le plan qualitatif. Mais tout ce qui existe est simultanément distinct et différent de l’Absolu sur le plan quantitatif, au même titre que les rayons du soleil par rapport à l’astre dont ils émanent. Inversement, le Bienheureux est simultanément différent et non différent de tout ce qui existe. Tout en étant partout et en tout, il conserve à jamais son identité propre sur le plan spirituel.

9.   La fonction intrinsèque de tous les êtres vivants consiste à servir le Bienheureux.

La fonction indissociable de tout être vivant est de servir, et la plus haute forme de service est celle que l’on offre au Bienheureux avec une dévotion sans partage. Elle seule permet de servir au mieux ses propres intérêts de même que ceux de ses semblables, et d’atteindre le but ultime de l’existence.

10. Le but ultime de l’existence consiste à développer un amour absolu pour le Bienheureux.

Le but de tous les Védas est de connaître le Bienheureux, qui en est l’auteur et l’ultime connaissant. Et qui connaît le Bienheureux en vient naturellement à lui vouer un amour pur et sans réserve.

Telles sont les 10 vérités ontologiques qui résument l’essence du savoir védique, au fondement même de la réalité absolue.

L’essence du savoir védique