

Deuxième et dernière partie de cette traduction et adaptation d’un article de Thomas Mallery paru dans la revue Back to Godhead.
Dans la première partie, nous avons vu que les trois premiers principes qui gouvernent aussi bien le dressage d’un jeune chiot que l’apprentissage de la maîtrise du mental tiennent aux récompenses, à la constance et à la patience. Trois autres viennent ici compléter l’approche dans sa globalité.
Intelligence émotionnelle
Le quatrième principe du dressage fait appel à l’intelligence émotionnelle, dont dépend l’exercice de la patience dans la quête du résultat final. Nos émotions peuvent en effet nuire à l’application des principes qui précèdent.
Nos amis poilus sont de simples créatures qui ont naturellement tendance à refléter nos comportements, voire nos états d’âme et jusqu’à de subtiles manifestations affectives dont nous n’avons parfois pas même pleinement conscience. Pour faire simple, s’ils nous sentent nerveux ou anxieux, ils le deviennent eux-mêmes.
Les émotions peuvent en outre altérer la communication. Si nous sommes en colère, par exemple, notre capacité à envoyer un message clair et efficace s’en trouve grandement compromise. La réaction du chiot risque alors de ne pas être conforme à nos attentes, ce qui ne peut qu’exacerber notre agitation.
Quant au mental, si la pensée et la volition font partie de ses fonctions, n’oublions pas qu’il est également aux premières loges du ressenti. Et qui dit ressenti dit dualité: attachement et aversion, bon et mauvais, bien et mal… Vouloir maîtriser le mental sans tenir compte de ce qu’il ressent au-delà de ce qu’il pense et ce qu’il veut risque donc de provoquer une réaction impulsive et une mésinterprétation du message que nous cherchons à lui envoyer.
Puisque le mental a émotionnellement tendance à accueillir à bras ouverts tout ce qui alimente ses attachements et à rejeter sans réfléchir tout ce qui lui semble indésirable, nous devons faire preuve d’intelligence émotionnelle dans nos efforts pour le détacher des dualités qui voilent sa capacité à apprécier la satisfaction que procure la maîtrise de soi à la poursuite d’une meilleure compréhension du sens et du but de notre vie sur Terre. Donc d’une ouverture grandissante à la dimension spirituelle de notre existence.
Intégration
Les maîtres-chiens définissent le cinquième principe du dressage comme étant celui de la mise à l’épreuve des apprentissages acquis pour s’assurer qu’ils demeurent effectifs en tous temps et en tous lieux.
Le chiot pourrait croire, par exemple, qu’une instruction ou un signal donné dans la cuisine ne s’applique que dans la cuisine. Il importe donc de conditionner le comportement voulu en divers endroits et à différents moments.
Il arrive de même que nous nous trouvions dans des environnements peu propices à la maîtrise du mental. Et c’est précisément là que nous pouvons tester notre capacité à intégrer les acquis que nous avons pu développer en des lieux plus paisibles ou moins distrayants. Si l’on apprend, au départ, à retenir les rênes du mental par des exercices de respiration, par la pratique de la méditation ou par la modulation de mantras dans un lieu de recueillement ou dans la nature, il se peut en effet qu’on ait plus de mal à le faire à l’école, au travail ou même à la maison.
La maîtrise du mental ne peut donc dépendre uniquement des conditions extérieures. Ce qui veut dire que le mental lui-même doit devenir un sanctuaire dans lequel nous nous recueillons paisiblement en fermant la porte aux pensées et aux désirs divergents qui ne cessent d’y frapper. En décorant ce sanctuaire de pensées non duelles inspirantes et apaisantes, nous prendrons plaisir à y trouver refuge en toutes circonstances. Et en nous entraînant ainsi à être en paix avec nous-mêmes sans constamment rechercher une forme ou une autre de stimulation extérieure, nous développerons avec notre mental une relation intime qui en fera bientôt notre meilleur ami.
Cette intégration des apprentissages acquis par une meilleure connaissance de soi et une application suivie des principes énoncés dans ces lignes ne se fait pas du jour au lendemain. Mais il n’y a pas lieu de se décourager pour autant. Bien que le chiot du mental soit vulnérable et qu’il faille maintes fois le rappeler à l’ordre avant que son dressage soit pleinement achevé, nous disposons d’un large éventail de moyens tout simples pour ce faire. Il ne tient qu’à nous de les mettre à contribution jusqu’à ce que le mental trouve son bonheur dans la transcendance plutôt que dans la complaisance.
«Celui qui demeure imperturbable devant le flot incessant des pensées et des désirs qui assaillent constamment le mental, tel l’océan qui reste immuable malgré tous les fleuves qui s’y jettent sans cesse, peut seul trouver la paix. La paix véritable n’appartient en effet qu’à celui qui s’affranchit des plaisirs trompeurs et de sa conception matérielle de l’existence. Telles sont les voies de la spiritualité divine.»
Bhagavad-gita 2.70-72
Pleins feux sur le héros
Les cinq principes qui précèdent sont eux-mêmes tels des fleuves qui se jettent dans l’océan du sixième, important entre tous. Tous les experts s’entendent en effet sur le fait que, pour soutenir l’attention et la concentration du chiot sur l’objectif à atteindre, le dresseur doit faire figure de héros à ses yeux – captivant, alerte et réactif –, comme peut l’être à nos yeux la vedette d’un film d’action.
À l’instar du chiot, le mental est vulnérable aux innombrables distractions qui se disputent son attention. Il importe donc de soutenir son intérêt sans relâche. Et selon les Védas, la meilleure façon d’y parvenir consiste à le fixer sur le héros des héros, à le maintenir captivé par l’Infiniment fascinant à travers la pratique du yoga intégral, qui permet de se concentrer en pensées, en paroles et en actes sur le but ultime à atteindre.
Le Suprême fascine par sa grandeur, sa beauté, sa force, sa sagesse et ses gloires, et en amenant graduellement le mental à mieux le connaître et à mieux le servir, on parvient sans mal à le détacher des plaisirs fugaces qu’il convoite pour compenser ses peines et ses angoisses. Le large éventail d’activités inhérentes au yoga intégral à travers les neuf clés de la bhakti contribue directement à libérer le mental de son conditionnement matériel et à lui procurer un niveau de satisfaction spirituelle inégalé qui en favorise tout naturellement la maîtrise. Voilà pourquoi les Védas tiennent cette méthode de «dressage» comme la plus efficace et la plus productive.
Pour rester dans le ton de notre analogie, le chien ne devient le meilleur ami de l’homme que lorsqu’il s’abandonne à son maître et bienfaiteur. Et il en va de même du mental. Il ne devient notre meilleur ami que lorsqu’il s’abandonne à l’Infiniment fascinant, son maître et bienfaiteur par excellence. Sachant fort bien qu’il n’a pas tendance à le faire de lui-même, il nous appartient donc au premier chef de l’entraîner en ce sens. Il y va après tout de notre plus grand intérêt, puisqu’un mental débridé restera à jamais notre pire ennemi. Et nous savons maintenant comment nous y prendre pour renverser la situation à notre avantage.

