S’il est une vérité immuable, pour le meilleur ou pour le pire, c’est bien celle-ci : on ne voit pas le temps passer, comme le chantait poétiquement Jean Ferrat.

On pourrait presque parler d’euphémisme, tant la vie est courte. «Dès qu’un humain vient à la vie, il est déjà assez vieux pour mourir», disait plus crûment Heidegger. Constat saisissant dont on préfère ne pas trop parler – Je n’ai pas le cœur à le dire –, mais qui n’en reflète pas moins notre condition à tous.

Si je vous écris et que vous me lisez, c’est que nous faisons partie des privilégiés qui bénéficient d’un sursis entre la naissance et la mort. Mais notre vie n’est pas pour autant un long fleuve tranquille – Entre les courses et la vaisselle, entre ménage et déjeuner, le monde peut battre de l’aile… et nous en faire voir de toutes les couleurs avec ses hauts et ses bas.

Car nos plaisirs, nos joies et nos bonheurs alternent invariablement avec des épisodes moins rigolos, souvent même pas rigolos du tout. Mal de vivre, mal d’aimer, mal du pays ou mal de tête, ce ne sont pas les maux qui manquent, non plus que les mots (souvent très colorés) pour le dire et pour s’en plaindre!

«Mais, c’est la vie!» me direz-vous. Peut-être, mais ne nous arrive-t-il pas tous de l’imaginer autrement, cette vie, nous qui rêvons naturellement de bonheur et d’éternité? Avouez que vous vous passeriez volontiers des maux qui empêchent votre corps de tourner rondement, comme de ceux qui minent vos pensées et qui bouleversent vos émotions. Ou encore des souffrances et des tourments que vous infligent vos congénères et les autres êtres vivants, du microbe et du moustique au profiteur et au fauteur de troubles. Sans parler des douleurs et des frayeurs dues aux forces de la nature – sécheresses, inondations, tremblements de terre et ouragans.

Pas de panique!

Loin de moi l’idée de vous déprimer avec tout cela. Mon propos vise simplement à illustrer que notre vie déjà plus ou moins courte est constamment perturbée par des aléas qui ne font jamais partie de nos projets mais qui trouvent toujours le moyen de s’y immiscer – Faut-il pleurer, faut-il en rire?

Dans la Bhagavad-gita, Krishna répond sagement à son cher ami Arjuna :

« Éphémères, joies et peines, comme étés et hivers vont et viennent. Apprends à les tolérer sans en être affecté. »

Bhagavad-gita, 2.14

Plus facile à dire qu’à faire! Mais non moins tout à fait possible, en commençant par admettre que nous sommes, bon gré mal gré, les seuls et uniques artisans de notre malheur comme de notre bonheur. Comme le disait si bien Rousseau :

« Insensés qui vous plaignez sans cesse de la nature, apprenez que tous vos maux vous viennent de vous. »

Il est sans doute aisé – et souvent commode, ou à tout le moins tentant – d’en attribuer la cause à des facteurs externes, mais le fait est que nous sommes responsables à part entière de nos pensées, de nos paroles et de nos actes, de leurs conséquences et des états d’âme qui en résultent, tout comme de la perception et de l’entendement que nous avons des phénomènes naturels et du monde qui nous entoure.

Un remède efficace

Pour nous affranchir des dualités à la racine de nos hauts et de nos bas, nous devons aussi comprendre qu’elles ne sont dues qu’à une conception matérielle de l’existence. Ayant de longue date oublié notre identité spirituelle, nous nous identifions en effet à notre corps et à notre mental comme si nous n’existions que par eux et que pour eux. Ce qui nous rend vulnérables à leurs moindres sursauts.

Lorsque l’âme s’établit dans la connaissance de son identité propre, elle continue d’agir à travers le corps qu’elle a revêtu et elle continue d’être sensible aux émotions propres à tout être pensant, mais sa vision des choses lui permet de relativiser les hauts et les bas de l’existence, et d’atteindre un équilibre qui facilite grandement son bref passage sur terre.

Pour guérir définitivement des maux du corps, du cœur et de l’esprit, il n’est d’autre avenue que de guérir du mal à l’âme. Négligée, elle demeure en effet impuissante à guider l’intelligence, elle-même censée guider le mental et les sens de manière à harmoniser notre existence sur tous les plans. Il suffit pourtant d’apprendre à la connaître et de développer la conscience de son rapport à l’Absolu pour retrouver le vrai sens de la vie et percevoir sous un tout autre jour les incontournables joies et peines qui jalonnent notre quotidien.

Je vous laisse avec le texte complet de la chanson de Ferrat.

Faut-il pleurer, faut-il en rire?