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Diverses branches des Védas traitent de sujets allant de la médecine à l’astronomie et de la diplomatie aux arts martiaux. Aux chapitres de la philosophie et de la spiritualité, les écoles de pensée et les approches à la réalisation de soi y sont décrites en détail. Elles y sont en outre présentées suivant une gradation qui favorise une juste compréhension des jalons à franchir pour comprendre la Vérité absolue et atteindre la perfection de l’existence. Et il en va de même des textes conçus pour guider notre quête de savoir et de sens.

Les Upanishads, au nombre de 108, constituent la partie philosophique des Védas. Il s’agit de recueils d’aphorismes cryptiques couvrant l’ensemble des considérations relatives aux grandes questions existentielles et aux différentes facettes de la réalité. Après les avoir transposées dans l’écrit, le sage Vyasadéva en a réalisé la synthèse dans un ouvrage connu sous le nom de Védanta-sutra, largement considéré comme l’aboutissement des Védas.

Prise en vase clos, la philosophie reste toutefois spéculative, aride et stérile. Sa véritable richesse ne s’exprime que dans une application pratique de valeurs et de principes à même d’ouvrir les voies de la transcendance. Aussi la spiritualité s’impose-t-elle comme l’extension et le complément naturels de la philosophie.

C’est dans ce contexte que s’inscrit au panthéon de la sagesse védique la Gita Upanishad, mieux connue sous le nom de Bhagavad-gita, «le chant du Bienheureux», livré par Krishna en personne lors de son séjour sur Terre il y a quelque 5000 ans.

Dans son enseignement à son ami et disciple Arjuna, Krishna établit en effet clairement le lien entre philosophie et spiritualité tout en expliquant les mécanismes de l’énergie matérielle, la nature spirituelle de l’âme, l’origine et la finalité des multiples formes de vie, les subtilités de l’action et de la loi du karma, l’emprise du temps, les différentes pratiques de yoga conçues pour s’affranchir du conditionnement matériel, et les niveaux de réalisation de la Vérité absolue. Aucune des grandes questions existentielles n’y est laissée sans réponse, et aucun principe n’y est dépourvu d’application pratique.

Du général au particulier

La Bhagavad-gita a depuis longtemps acquis ses lettres de noblesse comme porte d’entrée par excellence dans l’univers de la spiritualité. Tout bien considéré, elle reste toutefois une «porte d’entrée», soit une introduction en la matière. Nombre d’autres textes védiques élaborent en effet beaucoup plus en détail sur les différents thèmes qui y sont abordés.

Les différentes formes de yoga, par exemple, y sont présentées de façon sommaire, alors que de volumineux traités sont par ailleurs consacrés à chacune d’elles. De même, les voies de la bhakti, au sommet de l’échelle du yoga, n’y sont abordées qu’au niveau des fondements, alors qu’elle fait l’objet d’une science savamment développée dans d’autres portions des Védas. Et bien que la divinité de Krishna y soit clairement établie, le chant du Bienheureux ne fournit que relativement peu d’information à son sujet.

C’est ainsi qu’après avoir incorporé les 700 versets de la Bhagavad-gita dans une section de la monumentale épopée du Mahabharata, le sage Vyasa entreprit de rédiger un commentaire magistral à son fameux Védanta-sutra afin d’y développer tout ce qui n’était pas explicitement énoncé dans le reste des Védas. Il en a résulté le Bhagavat Purana, aussi appelé Shrimad-Bhagavatam, ou simplement Bhagavatam, «le florilège des gloires du Bienheureux», considéré comme le plus pur des Puranas, comme le fruit mûr de l’arbre de la sagesse védique, la crème ou encore la fine fleur des Védas.

Puranas et Purana

Les Puranas traitent tous plus ou moins en détail de cinq grands thèmes:

  1. la création primaire de l’univers
  2. les créations secondaires de l’univers
  3. la généalogie des empereurs du monde
  4. le règne des Manous, pères de l’humanité
  5. l’histoire des grandes dynasties

Les Puranas mineurs s’en tiennent à ces cinq thèmes, mais le Purana majeur qu’est le Bhagavatam complète en 18 000 versets la connaissance de l’univers et de l’Absolu en offrant une version enrichie de ces cinq thèmes et en développant cinq autres thèmes – pour un total de dix –, organisés de la façon suivante:

  1. la création de l’univers
  2. le déploiement de la manifestation cosmique
  3. le maintien des systèmes planétaires
  4. la protection divine
  5. l’élan créateur et le champ d’activité matériel
  6. le règne des Manous, pères de l’humanité
  7. la science et les gloires de l’Absolu
  8. la résorption de la manifestation cosmique
  9. la libération des chaînes de la matière
  10. le summum bonum, ou l’ultime refuge

Ainsi la Bhagavad-gita jette-t-elle les bases de la connaissance de l’univers et de l’Absolu, tandis que le Shrimad-Bhagavatam prend le relais là où elle s’arrête, jusqu’à couvrir l’ensemble du spectre des études supérieures en la matière.

Religion, spiritualité et dharma

Pour bien comprendre l’importance du Bhagavatam, il convient de distinguer les notions de religion, de spiritualité au sens large et de dharma.

Au moment d’écrire ces lignes, près des trois-quarts de la population mondiale se réclament d’une religion quelconque. Auxquels s’ajoutent de nombreux tenants d’une forme ou une autre de spiritualité sans affiliation à une religion proprement dite, soit environ une personne sur cinq dans les pays industrialisés.

Les gens adhèrent à une religion ou à une autre forme de spiritualité pour toutes sortes de bonnes… et mauvaises raisons.

Beaucoup y voient simplement un héritage familial. Ils sont nés dedans et en ont adopté croyances et pratiques sans trop se poser de questions.

Certains y voient une façon de se démarquer des autres, souvent même au point de se penser supérieurs à ceux dont les croyances diffèrent des leurs. Une attitude malsaine s’il en est, qui a d’ailleurs engendré plus d’une guerre.

D’autres y voient une promesse de bonheur, de santé, de richesse, de succès, voire de promotion à un royaume paradisiaque à la fin de leurs jours.

D’autres encore y voient plus sobrement une source de paix intérieure et d’équilibre psychique, une façon de donner un sens à leur vie, ou un moyen pour devenir de meilleures personnes.

Quelles que soient les raisons évoquées, reste que toutes les formes de religion ou de spiritualité ont en commun d’offrir :

  • une philosophie de vie
  • une certaine vision des humains et des autres espèces vivantes
  • la perception et l’expérience de phénomènes d’ordre mystique
  • des règles de conduite morale et éthique
  • une conception cosmologique de l’univers
    et, le plus souvent,
  • la croyance en une divinité suprême

Dans la langue des Védas, il s’agit là d’autant de formes de dharma temporelles, circonstancielles ou superficielles, en ce qu’elles peuvent donner de remplir dignement ses obligations familiales et socio-professionnelles, de mener ce qu’il convient d’appeler une bonne vie, de s’établir dans la vertu, d’agir en harmonie avec la nature ainsi que dans le respect de ses semblables et des autres êtres…, mais sans pour autant se réaliser pleinement en tant qu’être foncièrement spirituel.

À suivre…

Études supérieures en spiritualité (1/2)