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Pas de forme non plus, j’imagine? Mais alors, me direz-vous, que fais-tu de Jéhovah, Allah, Krishna et tous les autres? Ce sont bien des noms de Dieu, non? Oui et non. Laissez-moi vous expliquer.

Pour faire simple, Dieu n’a effectivement pas de nom en soi. La notion de Dieu désigne ce qui n’a ni origine ni fin, et qui tout à la fois représente l’origine et la fin de tout ce qui existe, soit un principe universel et intemporel qui englobe tout et qui n’a pas de nom à proprement parler.

Dans l’Exode de la Bible, à Moïse qui demande à Dieu quel est son nom, celui-ci répond «Je suis celui qui suis», plus communément appelé «le Seigneur». Dans l’islam, on l’appelle simplement «le Dieu» (Allah). Dans les Védas, le mot Dieu au sens où nous l’entendons n’apparaît même pas comme tel. Le mot sanskrit qui s’en approche le plus est sans doute déva, mais ce mot n’est employé que pour désigner les divinités tutélaires responsables des différents aspects de l’administration de l’univers. Pour parler du principe au fondement de toutes choses, on emploie plutôt le mot Brahman, qui signifie «le Grand Tout», ou «l’Absolu».

L’Un se fait multiple

Cela dit, bien que Dieu n’ait pas de nom en soi, on le désigne sous de multiples noms correspondant à ses innombrables manifestations et attributs. Ainsi la Bible le dit-elle l’Éternel, le Tout-Puissant, le Très-Haut, le Créateur ou le Verbe. Le Coran cite pour sa part 99 noms de Dieu, parmi lesquels le Très Saint, le Tout-Miséricordieux, le Dominateur, le Superbe et l’Unique, et Allah y précise qu’il aime qu’on récite ses différents noms. Quant aux Védas, on y relève des milliers de noms de l’Absolu, à commencer par les plus génériques, comme l’Être suprême, le Maître de l’univers et le Bienheureux, auxquels s’ajoutent ceux des diverses formes personnelles de l’Absolu, comme Vishnou, Narayana ou Krishna.

Contrairement à la croyance populaire voulant que ce soit là les noms de différents dieux, il s’agit en fait de noms d’un seul et unique Être souverain identifiable à travers différentes émanations de lui-même.

Le pouvoir de fascination de l’Absolu

Le Shrimad-Bhagavatam caractérise plus précisément l’aspect personnel de l’Absolu comme étant Bhagavan, soit l’Être qui incarne l’ultime perfection de la beauté, de la richesse, de la gloire, de la force, du savoir et du détachement, soit les six formes d’excellence que recherchent toutes les âmes en ce monde. Et le texte d’ajouter que la fascination qu’exercent ces attributs sur tous les êtres explique qu’on nomme Bhagavan «l’Infiniment fascinant», soit krishna en sanskrit.

Les gens vénèrent et convoitent à divers degrés la beauté des vedettes de cinéma, la puissance des grands dirigeants, l’intelligence des plus brillants cerveaux, la célébrité des personnalités les plus en vue de la société, la fortune des gens d’affaires les plus prospères, et la sagesse des maîtres les plus accomplis. Or, toutes ces sommités ont beau nous fasciner d’une façon ou d’une autre, l’excellence qui les caractérise – si grande soit-elle – n’est à vrai dire qu’un pâle reflet de celle qu’incarne Bhagavan. Sans compter qu’aucune de ces sommités ne possède simultanément toutes les excellences de Bhagavan. Et c’est précisément la raison pour laquelle les Védas le nomment Krishna, car lui seul est infiniment fascinant.

Irrésistible magnétisme

De fait, sous une forme ou une autre, Krishna, l’Infiniment fascinant, attire tous les êtres comme un aimant attire le fer. La racine sanskrite krish signifie «existence» et «qui attire à soi», tandis que le suffixe na signifie «source de félicité». Ainsi le nom Krishna désigne-t-il la Vérité absolue, dont l’existence même exerce un attrait irrésistible par le bonheur suprême qu’elle procure à qui s’en approche. Pourquoi? Parce que tous les êtres sont en quête d’un bonheur parfait et durable.

Il en découle qu’à l’instar des différents noms susceptibles de désigner Dieu, Krishna ne s’applique qu’à lui, et à lui seul, car encore une fois, lui seul est totalement, absolument et infiniment fascinant.

Cependant, tous les êtres ne cherchent pas le bonheur au même endroit. Alors que certains le cherchent directement auprès de la source même du bonheur suprême dans la pleine conscience de soi et de son lien spirituel à l’Absolu, d’autres le cherchent à travers les mille et une facettes miroitantes de l’énergie matérielle de l’Absolu. Le principe d’attraction et de fascination est présent dans les deux cas, mais il s’exprime à des degrés manifestement variables. Reste que, dans un cas comme dans l’autre et d’une façon ou d’une autre, tous sont naturellement, viscéralement et irrésistiblement attirés par l’Infiniment fascinant.

Réciprocité oblige

Pour en revenir à l’exemple de l’aimant, toute âme se trouve attirée par l’Infiniment fascinant du fait qu’elle en partage la nature et le magnétisme, fût-ce à un infime degré. La force d’attraction entre l’Âme suprême et les âmes individuelles varie toutefois selon la mesure dans laquelle ces dernières sont conditionnées par une conception matérielle de la vie. Autrement dit, plus elles sont fascinées par l’énergie matérielle, moins elles ressentent l’attrait de la source vive de toute beauté, de toute gloire, de toute force, de toute richesse, de toute connaissance et du plus parfait renoncement. Elles se comparent en cela à un métal ferreux recouvert d’une substance poussiéreuse, boueuse ou graisseuse qui affaiblit sa capacité à être attiré par un aimant.

Tout aussi naturellement que le fer libre de toute obstruction est attiré par l’aimant et se déplace inexorablement vers lui, l’âme spirituelle dont la conscience fragmentaire est dépouillée de toute souillure matérielle se voit spontanément attirée par la conscience suprême de l’Infiniment fascinant. Étant de même nature, leur relation éternelle s’épanouit dès lors dans le plus grand bonheur qui soit.

En effet, l’attrait qu’éprouve l’âme infinitésimale pour l’Infiniment fascinant a tôt fait de se transformer en amour inconditionnel du Divin, et le principe de réciprocité fait en sorte que Bhagavan lui-même se trouve irrésistiblement attiré par cet amour, tout comme l’aimant est lui-même attiré par le fer. Cet amour agit en soi comme un aimant, et lorsque les pôles des deux aimants sont adéquatement alignés, ils s’unissent l’un à l’autre pour ne plus se séparer.

Laisser agir la force

Les Védas recommandent de réaliser cet alignement par la pratique du bhakti-yoga, et ce, pour éviter que notre fascination se limite aux manifestations temporaires de l’énergie matérielle plutôt que de se porter vers Krishna, l’Infiniment fascinant Bhagavan.

La raison en est simple: seul le rétablissement du magnétisme naturel entre le Divin et les âmes individuelles que nous sommes peut nous donner d’atteindre le bonheur éternel auquel nous aspirons tous, en pleine conscience de Krishna et de la relation d’amour qui nous unit à lui.

Les aimants les plus puissants du monde, dont ceux de la Florida State University et du Los Alamos National Laboratory au Nouveau-Mexique, peuvent générer des champs magnétiques dépassant des centaines de milliers de fois celui de la Terre. Mais la force d’attraction de l’Infiniment fascinant – le Sans-nom aux mille noms – est infiniment plus grande encore que celle de ces aimants, et pour peu que nous acceptions de nous en approcher un tant soit peu, il fera sans aucun doute le reste du travail.

Dieu n’a pas de nom