

Suite et fin de la série consacrée à l’exploration de la conscience, de sa nature, de son siège et de sa fonction, de même qu’à l’état des connaissances et à la perspective des Védas en la matière.
Voir le volet précédent.
Peu importe qu’on parle de la conscience comme d’une forme de sensibilité, d’attention, de présence ou d’éveil à soi-même et à son environnement, le fait demeure que nous savons tous par expérience directe que la conscience existe. Nous avons tous conscience d’être conscients. Or, puisque la méthodologie employée par la science moderne est intrinsèquement inapte à nous apprendre quoi que ce soit sur la nature, les caractéristiques et le rôle ou la fonction de la conscience, la seule chose logique à faire est d’envisager une extension de la méthode scientifique pour nous en donner une compréhension satisfaisante.
L’extension proposée par le mathématicien Richard L. Thompson et une vague de nouveaux chercheurs dans son sillage s’inspire précisément du mysticisme védique décrit dans le volet précédent. Puisque la science fondamentale des réalités objectives et subjectives décrite dans les Védas nous vient de temps immémoriaux, on ne peut cependant la considérer comme une extension de la science moderne que dans le sens où sa portée est plus large, d’autant qu’elle englobe d’entrée de jeu la méthode scientifique telle que nous la connaissons. Historiquement parlant, il serait donc plus approprié de dire que la science actuelle est une contraction de la science fondamentale des Védas.
Tel un pilote d’avion
La science védique fait fond sur quatre catégories ontologiques: l’Absolu, ou l’Être suprême (paramatma); les êtres distincts, ou âmes individuelles (atma); l’énergie dite supérieure, ou spirituelle; et l’énergie dite inférieure, ou matérielle. Comme dans toute science, l’approche védique comporte un cadre théorique soutenu par un ensemble d’observations. Mais alors que la science moderne se confine à l’énergie matérielle, dont elle ne s’autorise en aucun cas à franchir les limites, les méthodes employées par la science védique lui permettent d’aborder également les trois autres catégories, sans restriction aucune.
Dans ce contexte, l’être vivant en soi est tenu pour distinct des éléments matériels dont le corps est constitué, et doté de sens propres qui lui permettent de percevoir l’Âme suprême, les autres âmes individuelles, ainsi que les manifestations des énergies supérieures et inférieures. Cependant, lorsqu’il est incarné dans un corps physique, il ne perçoit le monde qu’à travers les organes sensoriels de ce corps.
L’être incarné se compare à un pilote d’avion qui vole aux instruments. Bien qu’il dispose de ses propres sens, il ne les utilise que pour observer l’écran radar, l’altimètre et les divers cadrans, lesquels ne lui livrent qu’une image très restreinte de son environnement. Sa perception de la réalité s’en trouve grandement limitée, tout comme celle de l’âme incarnée, dont les sens physiques ne peuvent lui fournir des informations que sur l’énergie matérielle. Ces informations peuvent l’amener à faire des déductions indirectes à propos des trois autres catégories ontologiques, mais elles n’en peuvent rien révéler directement. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la science moderne, dont l’approche repose exclusivement sur les données fournies par nos sens matériels, a jusqu’ici ignoré les catégories supérieures, voire nié leur existence.
Un lien indéfectible
Comme nous l’avons constaté, la science moderne demeure incapable d’expliquer notre expérience directe de la conscience. Il en découle que toutes les hypothèses et les théories émises sur cette base sont nécessairement incomplètes. Les Védas établissent pour leur part que la conscience est un attribut inhérent aux êtres vivants. Ils soulignent en outre la nature autoréférentielle de la conscience, en vertu de quoi non seulement l’être est conscient, mais il a aussi conscience d’être conscient, ce phénomène étant dû au fait que les sens de l’âme individuelle sont à même de percevoir leur propre activité. C’est aussi ce qui fait que l’être en soi n’est jamais strictement limité à percevoir l’énergie matérielle, et qu’il perçoit ne serait-ce que faiblement et par moments l’existence de l’énergie spirituelle.
À ce stade, l’on pourrait objecter que la science moderne est peut-être incapable d’expliquer la conscience, mais que nous ne gagnons rien à simplement affirmer l’existence d’un soi immatériel dont la conscience est une caractéristique. D’aucuns diraient qu’on ne fait qu’accoler une étiquette au mystère de la conscience, une étiquette qui se résume en fin de compte à quelques mots habilement formulés.
Mais c’est sans compter que la méthodologie védique comporte des pratiques qui permettent à la conscience d’un individu d’étendre son champ d’action au-delà des sens physiques et des facultés psychiques de manière à entrer en contact avec l’énergie supérieure et avec l’Âme suprême, décrite comme la Vérité absolue dont tout émane et dont tout fait partie intégrante.
Les sages philosophes et scientifiques mystiques de la tradition védique ont pu établir objectivement qu’un lien indéfectible relie toutes les âmes individuelles à l’Âme suprême, et que des techniques telles que le yoga et la méditation mantrique permettent d’en faire l’expérience directe à travers des sens purifiés de leur assujettissement aux organes sensoriels du corps physique.
Des techniques éprouvées
Certains maintiendront que jusqu’à preuve du contraire, l’expérience mystique des tenants de la science védique demeure largement subjective. Il s’avère toutefois que les expériences de cet ordre rapportées à travers les siècles et à travers un large éventail de traditions socioculturelles se recoupent et se chevauchent invariablement très étroitement.
Il convient par ailleurs de souligner qu’il est futile d’argumenter à l’encontre d’une position que l’on refuse de vérifier. La valeur d’une chose se mesure à son usage. D’où la suggestion d’élargir l’entendement de la conscience au-delà des moyens actuels de la science, ce à quoi peut largement contribuer l’approche védique.
En guise de conclusion, retenons que l’explication védique de la conscience, à peine effleurée dans ces pages mais par ailleurs abondamment documentée, est à proprement parler satisfaisante. En science, on s’entend pour dire qu’une explication est satisfaisante si elle ajoute aux connaissances actuelles et si elle ouvre de nouveaux horizons qui gagnent à être explorés. Or, bien que la science moderne soit incapable de produire une telle explication de la conscience, la science védique nous introduit à un univers d’expériences à même de nous fournir une compréhension approfondie, aussi bien objective que subjective, des différentes dimensions de la réalité et de la nature intrinsèque de notre existence fondamentalement consciente.
Il y a là de quoi aspirer vivement à l’avènement d’une méthode scientifique 2.0, ne croyez-vous pas? Entre temps, nous avons tout le loisir d’explorer les pistes que nous offre la littérature védique pour enrichir notre compréhension de la conscience et de son rôle dans le plein accomplissement de soi.

