La série consacrée à l’épopée du Mahabharata racontée par Normand Vanasse se poursuit…

Voir l’épisode précédent.

La naissance des Pandavas

Tout en poursuivant sa vie d’ascète, Pandou comprenait que nul ne peut accéder aux régions célestes sans engendrer de fils. De plus, il se savait endetté envers ses ancêtres, et la seule façon de leur témoigner sa reconnaissance était d’avoir des enfants aptes à accomplir des sacrifices à Vishnou.

Lorsque pour les sages de la forêt venait le temps de visiter les planètes édéniques, Pandou ne pouvait les y accompagner. C’est alors qu’il demanda à Kounti, sa première épouse, de lui donner des enfants afin d’assurer la continuité de la dynastie Kourou.

— Je suis né de la semence du sage Vyasadéva, lui-dit-il. J’aimerais qu’un sage t’imprègne de même pour assurer ma descendance et ainsi plaire à mes ancêtres.

Toujours prompte à accéder aux souhaits de son époux, Kounti lui adressa alors ces paroles:

— Quand j’étais jeune fille, j’accueillais les invités de mon père avec la plus grande déférence. Un jour, un brahmana du nom de Durvasa Mouni vint au palais et, satisfait de mon accueil, voulut faire preuve de bienveillance envers moi. Il me donna alors un mantra grâce auquel je pourrais solliciter la présence du déva de mon choix pour qu’il m’imprègne de sa semence. Dis-moi donc, ô Pandou, quel déva appeler auprès de moi.

— Ô Kounti, toi la très fortunée, lui répondit Pandou, le cœur joyeux. Appelle le déva de la justice, Yamaraja. Il est pieux, et dévoué à Vishnou. Il compte en outre parmi les grandes autorités spirituelles connues sous le nom de mahajanas; jamais il ne souillerait notre dynastie.



Youdhishthira

Acquiesçant au vœu de Pandou, Kounti répéta l’incantation que lui avait donnée Durvasa Mouni, et se prépara à la venue de Yamaraja. Assistée du déva, elle donna naissance à un enfant aux qualités aussi nombreuses que celles de Yamaraja lui-même. On entendit alors une voix annoncer dans le ciel:

— Cet enfant deviendra le plus parfait des humains, un homme de la plus haute vertu. On dira de lui qu’il est un compagnon de Vishnou, la Personne suprême. Doté d’une grande puissance et d’une franchise exemplaire, il deviendra le roi de cette Terre. Ce premier fils de Pandou sera connu sous le nom de Youdhishthira, et sa renommée en tant que roi s’étendra partout dans les trois mondes.

Bhima

Comblé au plus haut point par la naissance de son fils, Pandou dit à Kounti:

— Les sages nous ont révélé qu’un kshatriya doit posséder une grande force physique. C’est pourquoi tu dois maintenant appeler auprès de toi le déva de l’air, Vayou.

Bhima
Toile de Raja Ravi Varma (v. 1900)

Ce dernier répondit sur-le-champ à l’appel de Kounti, qui lui demanda, tout en souriant avec modestie:

— Ô meilleur des êtres célestes, veuille me donner un fils doté d’une grande force, à même d’affronter les hommes de ce monde.

Vayou accéda à son désir et lui donna un fils appelé à exceller par sa puissance. Dès que l’enfant naquit, une voix céleste proclama:

— Cet enfant s’appellera Bhima, et grâce à sa force, il vaincra tous ses adversaires.

Quelques jours seulement après cette nouvelle naissance, alors que l’enfant dormait sur les genoux de sa mère, Kounti entendit soudain le rugissement d’un lion. Apeurée, elle se leva brusquement, oubliant la présence de son enfant sur elle. Bhima tomba ainsi sur une pierre qui fut aussitôt pulvérisée. L’enfant, quant à lui, n’avait pas la moindre blessure, et Kounti fut stupéfaite de la puissance de Bhima, son propre enfant!



Arjuna

Après la naissance de Bhima, Pandou voulut d’autres fils. Il suggéra à Kounti de pratiquer de sévères austérités pendant une année entière, et lui-même se tint debout sur une jambe, du matin au soir, espérant ainsi attirer sur lui l’attention du roi des planètes célestes, Indra. Celui-ci, éventuellement satisfait de Pandou, lui apparut et lui tint ces propos:

Indra engendre Arjuna dans le sein de Kounti
Illustration de Ramanarayanadatta astri

— Ô roi, je te donnerai un enfant dont la renommée s’étendra dans les trois mondes. Il détruira les impies et réjouira le cœur des hommes de bonne volonté. Il sera par surcroît un grand dévot de Vishnou.

Pandou demanda alors à Kounti d’appeler le déva Indra afin de donner naissance à un troisième enfant. Ce qu’elle fit, obtenant cette fois un enfant appelé à devenir un jour l’ami intime de Krishna, le Seigneur suprême. À la naissance de l’enfant, une voix se fit entendre dans le ciel:

— On connaîtra cet enfant sous le nom d’Arjuna. Sa prouesse égalera celle de Shiva. Invincible au combat, il incarnera la fierté des Kourous. Après avoir obtenu plusieurs armes célestes, il rapatriera les richesses de votre famille.

Dès qu’eurent été prononcées ces paroles prophétiques, on entendit des roulements de tambours pendant que dévas et sages faisaient pleuvoir des fleurs sur la Terre.

Nakoula et Sahadéva

Plus joyeux que jamais, Pandou s’approcha de son épouse dans l’intention de lui demander d’autres enfants. Cependant, avant même qu’il n’ouvre la bouche, Kounti lui dit:

— Les sages n’approuveront pas un quatrième enfant. Une femme qui échange des rapports intimes avec quatre hommes différents est une prostituée. Ô roi, tu connais parfaitement bien les Écritures; je te prie de ne plus me demander d’enfants.

Après la naissance des trois fils de Kounti, Madri, la fille du roi de Madras, alla trouver Pandou, son époux, et lui parla ainsi:

Nakoula
Aquarelle, gouache et or sur papier

(1725-1750)

— Ô roi, si je n’arrive pas à te plaire, qu’il en soit ainsi. Pourtant, une chose m’attriste: Kounti et moi sommes égales, mais moi, je n’ai pas d’enfants. Si Kounti pouvait m’apprendre la façon dont elle a pu donner le jour à de si beaux enfants, je m’en verrais comblée. Je t’en prie, demande-lui cette faveur en mon nom.

Pandou alla voir Kounti et lui demanda gentiment de révéler à Madri le mantra grâce auquel elle pourrait, elle aussi, solliciter la présence d’un déva et enfanter. Kounti acquiesça d’emblée, puis dit à Madri:

— Fixe tes pensées sur un déva de ton choix, et il te donnera un enfant.

Madri avait en tête les jumeaux qu’on appelle Ashvini Koumaras, et en l’espace de quelques instants, ils se présentèrent devant elle, puis lui donnèrent deux enfants, Nakoula et Sahadéva. Dès qu’ils naquirent, une voix céleste se fit entendre:

— Ces deux enfants seront d’une beauté sans pareille et remplis d’énergie, plus encore que les jumeaux Ashvini eux-mêmes.

C’est ainsi que Pandou finit par avoir cinq fils, qui tous le comblèrent pleinement. Chacun des enfants était né à intervalle d’un an, et à mesure qu’ils grandissaient, ils devinrent les favoris des grands sages de la région.

L’épopée du Mahabharata – Épisode 7