Dans la série «L’âme, cette inconnue», inspirée des textes védiques…

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Les Védas nous apprennent que l’âme (atma en sanskrit) n’est pas une vague notion ésotérique, mais bien le nom générique qu’on donne à l’entité qui anime chaque corps (le latin la désigne du nom d’anima). Cette entité, c’est l’être vivant, la personne à proprement parler qui pense et agit à travers le corps, lequel devient inerte en son absence.

Nous savons maintenant que l’âme possède en outre des caractéristiques qui la distinguent totalement du corps dans lequel elle se trouve. Or, puisqu’elle a bel et bien élu domicile dans le corps, il est tout à fait pertinent de se demander où elle loge exactement dans le corps.

Nombreux sont les scientifiques qui prétendent encore de nos jours que le siège de la personnalité, de l’identité et de la conscience est le cerveau, et ce, malgré les preuves à l’effet du contraire. Pour n’en citer qu’un exemple, depuis plus d’un demi-siècle, on ne compte plus les cas solidement documentés de patients en état de mort cérébrale prolongée qui, après réveil ou réanimation, ont pu décrire en détail tout ce qui s’était passé autour de leur corps alors que leur cerveau ne faisait état d’absolument aucune activité!

Où était donc la personne, l’observateur, le témoin, le sujet conscient, l’être pensant pendant tout ce temps?

Au cœur de la question

Les Védas sont unanimes à ce sujet: l’âme – le siège de la personnalité, de l’identité et de la conscience – se trouve dans le cœur. Il convient ici de rappeler que l’âme est de nature spirituelle. Elle ne peut donc, à proprement parler, occuper un espace physique délimité, puisque l’espace, aussi appelé l’éther, est un élément matériel. On comprend donc qu’il s’agit de la région du cœur, plus précisément au niveau de ce qu’on appelle le chakra du cœur, plutôt que d’un point précis dans le cœur.

La Mundaka Upanishad fournit plus de détails à ce sujet:

«L’intelligence parfaite peut percevoir l’âme, dont la mesure est dans l’infiniment petit. Sise dans le cœur et portée par cinq sortes d’air, elle dispense son énergie à tout le corps. Une fois purifiée de la contamination des cinq airs matériels, elle dévoile sa puissance spirituelle.»

Mundaka Upanishad 3.1.9

Les cinq sortes d’air en question sont décrits comme suit:

  • l’air vital qui passe par les narines lors de la respiration (prana);
  • l’air qui passe par la gorge et dont l’obstruction cause la suffocation (udana);
  • l’air qui agit dans l’estomac lors de la digestion et de l’éructation (samana);
  • l’air qui passe par le rectum lors de l’évacuation (apana);
  • l’air qui circule globalement dans tout le corps (vyana).

Différentes formes de yoga permettent de contrôler et purifier les cinq sortes d’air qui enveloppent l’âme pure. Leur pratique vise non pas à se relaxer, à faire le vide ou à être en meilleure forme physique, comme l’enseignent beaucoup d’écoles contemporaines, mais bien à libérer l’âme de la matière grossière et subtile qui l’emprisonne. Il n’y a bien sûr aucun mal à «se faire du bien» comme on dit, mais il importe de savoir que tel n’est pas l’objet du yoga, dont le sens primordial est «union avec l’Absolu».

De cœur à cœur

Les Upanishads situent donc l’âme dans le cœur de chaque être vivant, d’où elle diffuse son énergie à l’ensemble du corps. Certains nient son existence du fait que sa taille infime échappe à leur pouvoir d’observation et à celui des instruments les plus perfectionnés. On comprend toutefois que si l’énergie nécessaire au fonctionnement de l’organisme tout entier rayonne à partir du cœur, c’est que la source énergétique s’y trouve. Qu’on l’appelle la force vive, l’entité vivante ou l’âme n’y change rien. En son absence, le cœur cesse tout simplement de battre.

Les globules sanguins, qui transportent l’oxygène des poumons, tirent leur énergie de l’âme, expliquent les Vedas. C’est pourquoi le sang cesse de remplir ses fonctions vitales dès que l’âme quitte le corps. La science médicale reconnaît l’importance des globules rouges, mais elle n’est pas en mesure d’établir qu’ils tirent leur énergie de l’âme. Elle admet néanmoins que le cœur est le siège de toutes les énergies corporelles.

On peut alors se demander ce qu’il advient de l’âme en cas de transplantation de cœur? Au risque de vous décevoir, pas grand-chose, à vrai dire, malgré la nature spectaculaire pour ne pas dire miraculeuse de cette intervention chirurgicale. Rappelons-nous que le cœur n’est que le siège de l’âme, au même titre qu’une chaise peut servir de siège à un homme ou une femme. Or, un changement de siège n’implique pas un changement de personne; l’occupant passe simplement d’un siège à un autre.

Essence unique, formes multiples

Une autre question qu’on entend souvent consiste à savoir si les animaux ont une âme. Or, dès lors qu’on comprend que l’âme est le principe vital de tout ce qui vit, la question ne se pose plus. Non seulement les animaux, mais les végétaux aussi ont une âme, puisqu’ils sont vivants.

Les objets inanimés n’ont que trois phases d’existence – création, détérioration et destruction –, tandis que les organismes vivants en comptent trois de plus, en raison justement de l’âme qui les anime : croissance, reproduction et subsistance.

Il va sans dire qu’humains, animaux et végétaux ne sont pas égaux, si ce n’est qu’ils ont tous en commun les mêmes activités de base – nutrition, repos, reproduction et protection, ou défense contre les éléments extérieurs. Et malgré tout ce qui peut les distinguer au-delà de ces mécanismes, ils ont tous en commun une essence primordiale, soit l’énergie vitale qui les anime, l’âme atomique, individuelle, immortelle et immuable.

Âme et degrés de conscience

Pour mieux comprendre ce qui distingue les différentes espèces vivantes en dépit de leur essence commune, disons que puisque les humains ont un intellect plus développé, ils peuvent exercer leurs activités de base de façon plus sophistiquée, mais c’est vraiment tout ce qui les distingue des animaux ou des plantes à cet égard.

Au-delà de ces activités, l’intellect plus développé des humains leur confère la capacité de s’interroger sur leur origine et leur finalité. Cette faculté – unique entre toutes les espèces – est due au fait que l’enveloppe corporelle des humains occulte moins la conscience que celle des animaux ou des végétaux.

La Bhagavad-gita illustre ce phénomène comme suit:

«De même que la fumée masque le feu, que la poussière recouvre le miroir ou que la matrice enveloppe l’embryon, différents degrés de conditionnement recouvrent l’être.»

Bhagavad-gita 3.38

Autrement dit, l’enveloppe physique de l’âme devient de plus en plus «opaque», ou voile de plus en plus la conscience de l’être vivant au fur et à mesure qu’on descend vers les espèces inférieures. L’exemple de la matrice enveloppant l’embryon s’applique aux plantes, où la conscience n’existe qu’à l’état de trace. Celui de la poussière recouvrant le miroir – beaucoup moins dense – s’applique aux animaux, capables d’émotions et d’initiatives au-delà de leurs instincts. Et celui de la fumée masquant le feu – sans jamais le voiler complètement – s’applique aux humains, à même d’utiliser leur intelligence pour la dissiper et ainsi mettre à nu leur nature première.

Ainsi la différence entre humains, animaux et plantes ne tient-elle pas tant à leur nature qu’aux différents degrés d’expression de la conscience de l’âme qui les habite.

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Où est l’âme, demandions-nous? En un mot, partout où il y a de la vie.

L’âme – Où est-elle?