Suite de la série consacrée à l’exploration de la conscience, de sa nature, de son siège et de sa fonction, de même qu’à l’état des connaissances et à la perspective des Védas en la matière.

Voir le volet précédent.

Examinons de plus près la proposition scientifique selon laquelle la conscience ne serait qu’une propriété émergente de la matière physique. Non seulement la science n’avance aucune preuve en ce sens, mais cette présomption va à l’encontre de tout phénomène de cet ordre dans la nature.

En effet, dans tous les cas de propriétés émergentes que nous offre la nature, il s’avère que la propriété qui émerge existait déjà sous une forme ou une autre dans ce dont elle émerge. Les cristaux de neige, par exemple, résultent de l’agencement de molécules d’eau en structures ordonnées sous l’action du froid. Les cristaux en question peuvent prendre une infinité de formes nouvelles et imprévisibles, mais ils émergent tous d’un substrat existant et bien connu.

Or, pour ce qui est de la conscience, rien dans la nature ne ressemble même vaguement ou lointainement à une forme d’existence expérientielle émergeant d’un quelconque substrat physique dénué de toute expérience.

Autrement dit, le cerveau ne renferme en soi absolument rien qui puisse s’apparenter à la conscience, et il n’offre aucune possibilité d’émergence évolutive d’un tel phénomène, puisque par définition, l’évolution est un processus qui confère à des propriétés existantes des formes de plus en plus complexes. Elle ne permet en aucun cas de faire émerger des propriétés entièrement nouvelles, sans lien avec un quelconque substrat physique de base. Il est donc erroné de considérer la conscience comme une propriété émergente de la matière physique, puisqu’elle ne repose sur aucune propriété biochimique existante.

Analogie pour analogie

Pour illustrer l’hypothèse voulant que la conscience soit une propriété émergente de la matière physique, le philosophe David Hume donnait l’exemple de la bile qui émerge du foie, partant du fait que, quoique moins sophistiqué, le foie s’apparente au cerveau. Mais la conscience n’a aucune parenté avec la bile, le foie ou le cerveau, qui eux, par contre, ont tous beaucoup de choses en commun.

Le cerveau est à n’en point douter une machine complexe, mais jamais il n’adoptera une attitude subjective. Nous tentons aujourd’hui de reproduire le fonctionnement du cerveau à travers l’intelligence artificielle, mais ni le cerveau ni l’IA n’ont d’émotions, et jamais ils n’en auront. Vouloir rendre l’IA sensible comme le sont les humains en réaction aux expériences qu’ils vivent, c’est comme grimper à un arbre dans l’espoir de pouvoir toucher la Lune.

Par ailleurs, une analogie ne prouve jamais rien, et celle de Hume, faisant de la conscience une propriété émergente du cerveau, est particulièrement déficiente. S’il faut chercher des analogies, il y en a de bien meilleures de la position opposée, à savoir que c’est le cerveau qui réagit à l’influence de la conscience, toute immatérielle qu’elle soit.

Pour n’en citer qu’un exemple, la théorie quantique démontre clairement que le fait d’observer un objet influence instantanément le comportement d’objets distants qu’aucune force physique ne relie. Bien que le fait de comparer ce phénomène quantique à la façon dont la conscience anime la matière ne prouve rien en soi, il peut néanmoins servir à orienter notre réflexion sur la question. Cette analogie nous aide en effet à mieux conceptualiser la notion de causalité non physique que les Védas dérivent de la présence existentielle de la conscience vivante à proximité de la matière inerte.

Ni physique ni psychique

Vous aurez noté que je n’ai jusqu’ici donné aucune définition de la conscience. Je n’ai fait que mettre en lumière certains aspects contradictoires de sa nature, dans le sillage de l’aphorisme des Upanishads qui qualifie la conscience de néti néti, littéralement «pas ceci, pas cela». Plus précisément, la conscience n’est ni une chose physique ni une chose psychique. Elle existe en soi et d’elle-même. Autrement dit, sans conscience, il n’y a pas de conscience.

S’il est une chose sur laquelle s’entendent philosophes, psychologues et scientifiques, c’est que la conscience reste difficile à définir. Cela dit, du point de vue des Védas, le caractère insaisissable de la conscience n’en amoindrit nullement l’importance. Il souligne au contraire son importance capitale. Son existence étant directement perceptible en soi par toute personne vivante, et sa présence étant tout aussi manifeste chez les autres, il n’est pas étonnant qu’on cherche à y voir plus clair et à déterminer ce qu’elle est exactement.

Pour l’heure, le fait de savoir ce qu’elle n’est pas nous permet déjà de comprendre qu’elle n’est pas soumise aux contraintes spatiales et temporelles, comme le sont tous les objets matériels. Il en découle qu’elle n’a, contrairement à eux, ni début ni fin, ce qui revient à dire qu’elle existe de tout temps et à jamais! Et qu’elle n’est donc pas altérée par la dégradation de l’organisme à l’intérieur duquel elle agit, influant aussi bien sur la matière physique qui compose le corps que sur la matière psychique qui en compose l’esprit.

Bien que logiques, ces arguments ont encore de quoi nous laisser perplexes. Aussi va-t-il nous falloir approfondir davantage la question.

À suivre...

L’hypothèse de l’émergence