

La série consacrée à l’épopée du Mahabharata racontée par Normand Vanasse se poursuit…
Voir l’épisode précédent.
Karna apprend le secret de sa naissance
Avant de quitter la ville d’Hastinapoura, Krishna fait monter Karna sur son char et lui dit:
— Tu es en réalité le fils de Kounti. Elle t’a enfanté avant son mariage avec Pandou. Ton père est Vivasvan, le déva du soleil, et les Pandavas sont tes frères cadets. Si tu te joins à eux, ils se prosterneront à tes pieds et t’appuieront quand tu gouverneras la Terre.
Karna ne savait que dire. Il demeura contemplatif pendant un moment, puis retrouva la parole:
— Tu dis sûrement vrai, mais pourquoi donc ma mère m’aurait-elle abandonné? Quelle cruauté! Ce sont Adhiratha et son épouse Radha qui m’ont trouvé dans le Gange et se sont occupé de moi. Radha m’a soigneusement lavé et, prise d’affection pour moi, le lait a coulé de ses seins. Ce sont encore elle et son époux qui m’ont trouvé des épouses avec lesquelles j’ai eu des fils et des petits-fils. Quant à Duryodhana, il est mon ami bienveillant; comment pourrais-je l’abandonner! Si nous sortons victorieux de cette bataille, je céderai le royaume à Duryodhana. Mais je ne suis pas sans savoir qu’Arjuna me vaincra au combat, en représailles de mes offenses envers lui et ses frères.
— En retournant au palais, lui répond Krishna, dis à Bhishma et à Drona que le printemps est venu. Les fruits et les légumes poussent en abondance, et il ne fait ni trop chaud ni trop froid. La nouvelle lune se lèvera dans sept jours; que la bataille commence ce jour-là.
Karna s’exécuta après avoir étreint le Seigneur, qui quitta alors Hastinapoura.
Kounti et Vivasvan se révèlent à leur fils
Pendant ce temps, Vidoura informait Kounti qu’en dépit des pourparlers, Krishna n’avait pu obtenir la paix.
— J’irai voir Karna, lui répondit-elle, et lui expliquerai le mystère de sa naissance. Il m’écoutera!
Ainsi se rend-t-elle sur les rives du Gange pour y rencontrer son fils, assis en méditation sous un soleil intense. Karna ouvre les yeux et, voyant une femme debout à ses côtés, lui demande qui elle est.
— Je suis Kounti, ta mère, et ton père est le déva du soleil, que tu vénères au quotidien.
Aveuglé par le soleil, Karna ne parvient pas à identifier la femme qui lui parle.
— Qui es-tu? lui redemande-t-il.
— Je suis la mère des Pandavas, mais tu es en réalité mon premier enfant, avant mon mariage avec Pandou. Les Pandavas sont ainsi tes frères. Joins tes forces aux leurs, et après avoir conquis les Kourous, tu seras le roi de la Terre.
Puis, une voix en provenance du soleil se fit entendre dans l’espace:
— Kounti dit vrai, et je t’enjoins moi-même de suivre les conseils de ta véritable mère.
Après avoir entendu la voix de son père, Karna dit à sa mère:
— Je ne suis pas tenu de t’obéir. Tu m’as abandonné à la naissance; j’aurais pu en mourir. Même mon pire ennemi n’aurait pas agi aussi cruellement envers moi. Si je me rallie aux Pandavas, tous croiront que je l’ai fait par intérêt personnel. Cependant, je te fais une promesse: bien que capable de tuer tes fils – à l’exception d’Arjuna –, je leur laisserai la vie sauve.
À ces mots, Kounti étreignit son fils, qui ne ressentit absolument rien pour elle. Puis, elle s’en retourna dans ses appartements.
Vidoura se retire
Krishna ayant quitté Hastinapoura, Dhritarashtra fit venir Vidoura afin de le consulter.
— Ô Vidoura, lui dit-il, tu es le bienfaiteur de notre famille. Mon fils Duryodhana n’a pas voulu écouter les précieux conseils du Seigneur Krishna. Que faire, maintenant?
— Redonne aux Pandavas la part du royaume qui leur revient, lui répondit Vidoura. Ils ont déjà assez souffert à cause de tes plans mesquins. Tu gardes en ta propre demeure l’offense personnifiée, ton fils Duryodhana, qui jalouse même le Seigneur Krishna. C’est pourquoi tu es privé de tout discernement.
En entendant ces paroles, Duryodhana, qui était présent, devint rouge de colère. Sur un ton de rudesse, il dit:
— Qui a demandé l’opinion de ce serviteur? Il se range du côté des ennemis de ceux qui le font vivre. Quel insensé! Qu’on l’expulse du palais immédiatement! Et qu’il ne lui reste que son souffle!
Ces paroles entrèrent comme des flèches dans le cœur de Vidoura. Abandonnant son arc, il quitta aussitôt le palais de son frère. Vidoura vit dans cette altercation une intervention providentielle, et cela le réconforta. Il en profita pour se rendre en divers lieux de pèlerinage, voyageant seul, dans la plus grande simplicité, et faisant de Krishna l’unique objet de sa méditation.
À suivre…

