

La série consacrée à l’épopée du Mahabharata racontée par Normand Vanasse se poursuit…
Voir l’épisode précédent.
Les troupes s’assemblent à Kouroukshétra
De retour auprès des Pandavas, Krishna les informe que Duryodhana a refusé de faire la paix, et ce, bien que tous autour de lui souhaitaient une entente à l’amiable. Il leur dit qu’il a même demandé seulement cinq villages à Duryodhana, et que ce dernier a fait la sourde oreille. Puis, il s’adresse à Youdhishthira:
— Les Kourous ne te redonneront pas ton royaume avant d’avoir livré bataille. Ils ont d’ailleurs commencé à s’installer à Kouroukshétra.
— Vous avez tous entendu les paroles de Krishna, notre ami et bienfaiteur, dit Youdhishthira à ses frères. Rendons-nous donc aussi à Kouroukshétra afin d’y installer nos troupes.
C’est suivis d’hommes en armes par centaines de milliers poussant des cris de guerre que les Pandavas marchent alors en direction du lieu saint.
Les forces des Pandavas s’étendent à perte de vue, tel un océan. Dressé dans la plaine fraîche et herbeuse, leur campement compte, tout comme celui de l’armée adverse, des milliers et des milliers d’énormes tentes remplies de lits, de vivres et de munitions. Des milliers de médecins se tiennent prêts à prodiguer des soins aux blessés, et une vaste section est aménagée pour réparer les chars endommagés au combat.
Les chars de bataille seront tirés par quatre chevaux, incrustés de perles et de pierres précieuses, et équipés d’arcs et de flèches, de lances, de javelots et de dards, d’épées, de masses et de haches, sans oublier des peaux remplies de serpents venimeux.
Les milliers d’éléphants appelés à combattre accueilleront chacun sur leur dos sept guerriers, et la cavalerie pourra compter sur des milliers de chevaux richement parés d’or. Chaque char sera entouré de dix éléphants, et chaque éléphant se verra protégé par dix chevaux, chacun d’eux gardé par dix fantassins.
Aux armes!
Pendant que tout se met en place, Duryodhana demande à Bhishma de commander son armée, responsabilité qu’il accepte. Il se met alors à pleuvoir soudainement, le vent se lève avec force et la terre est prise de tremblement. Des voix se font entendre dans le ciel tandis que des météores tombent de l’espace et que les cris des chacals et des corbeaux déchirent l’air.
Puis, Duryodhana décide d’envoyer un messager aux Pandavas pour attiser leur courroux en ridiculisant les rôles qu’ils ont joués à la cour de Droupada au cours de leur treizième année d’exil. Le message fait mouche, et les Pandavas, furieux, dictent à leur tour au messager les paroles à rapporter à Duryodhana pour l’enflammer de plus belle.
L’heure de l’affrontement a sonné. Les Pandavas s’alignent en position de combat tandis que du côté des Kourous, Bhishma évalue leurs forces ainsi que celles de l’ennemi. Il annonce à Duryodhana qu’il compte pouvoir anéantir l’armée des Pandavas en un mois. Le fils de Drona, Ashvatthama, s’empresse alors d’affirmer qu’il peut le faire en dix jours, et Karna, l’arrogant, de renchérir en se donnant pas plus de cinq jours pour venir à bout des Pandavas et de leurs troupes. Estimations que les espions de Youdhishthira ne manquent pas de lui rapporter.
Youdhishthira demande alors à Arjuna combien de temps il lui faudra pour anéantir les Kourous, et Arjuna de répondre à son frère aîné:
— Ne t’en fais pas, Youdhishthira. Tant que mon char sera conduit par Krishna, je pourrai facilement dévorer les trois mondes, et cela en un clin d’œil.
Les règles d’engagement
Au lever du soleil, les deux armées sont prêtes à s’affronter. Tous les guerriers de la Terre sont présents sur le champ de bataille de Kouroukshétra. Mais avant le combat, les règles d’engagement sont dûment établies dans un camp comme dans l’autre.
Les soldats ne devront se battre qu’avec des soldats de force égale à la leur, et les conducteurs de char, qu’avec d’autres conducteurs de char. Il devra en être de même des guerriers à dos d’éléphant, des cavaliers et des fantassins. Nul ne devra frapper un adversaire qui ne s’y attend pas ou pris de panique. Il ne faudra non plus frapper ni ceux qui sont déjà en train de se battre, ni ceux qui se retirent, ni ceux qui capitulent, ni ceux dont l’armure ou les armes sont endommagées. Enfin, ceux qui battent les tambours et ceux qui soufflent dans les conques doivent aussi être épargnés.
Voyant l’imminence de la bataille, le sage Vyasadéva alla voir Dhritarashtra dans son palais et lui dit:
— Ô roi, tes fils et les autres rois de la Terre sont maintenant dans les griffes de la mort. Ils périront tous, comme des insectes dans le feu. Si tu désires voir la bataille, je te prêterai mes yeux.
— Ô meilleur d’entre les sages, lui répondit le roi aveugle, l’idée de voir les miens se faire tuer ne me plait guère. J’aimerais toutefois que quelqu’un me décrive le déroulement de la bataille.
Vyasadéva donna alors à Sañjaya, le serviteur de Dhritarashtra, le pouvoir de regarder la bataille à distance. Tout lui serait révélé, de jour comme de nuit – jusqu’aux pensées des guerriers. Puis, avant de quitter les lieux, il ajouta à l’intention de Dhritarashtra:
— La renommée des Pandavas et des Kourous ne s’éteindra jamais. Ne te lamente surtout pas, ô roi. Il est impossible d’éviter le massacre; ainsi le veut le destin. Quant à la victoire, les justes l’obtiendront. Krishna est le Seigneur des seigneurs; s’il accorde sa protection aux Pandavas, même les dévas ne pourront les vaincre.
À suivre…

