La série consacrée à l’épopée du Mahabharata racontée par Normand Vanasse se poursuit…

Voir l’épisode précédent.

Pourparlers de paix

Arjuna ayant fait le choix de s’allier Krishna plutôt que son armée, ils allèrent ensemble retrouver les autres Pandavas pour préparer la suite des choses. C’est alors que, contre toute attente, le roi Dhritarashtra décida d’envoyer Sañjaya, son secrétaire, porter un message de paix aux Pandavas. Il va sans dire que Youdhishthira n’était pas d’humeur à l’accueillir à bras ouverts. Aussi lui dit-il spontanément:

— Comment peut-on maintenant parler de paix? Pourquoi le roi Dhritarashtra n’a-t-il pas tenté d’arrêter la frauduleuse partie de dés? Pourquoi n’est-il pas venu en aide à Draupadi lorsque ses fils ont voulu la déshonorer? Pourquoi n’a-t-il pas suivi les conseils de Vidoura sur le juste partage des pouvoirs? S’il désire vraiment faire la paix, qu’il me rende mon royaume d’Indraprastha.

— La vie est remplie d’embûches, répondit Sañjaya. Ceux qui recherchent le pouvoir et la gloire en ce monde sont voués à connaître la frustration, tandis que ceux qui chérissent la droiture et la paix ne risquent pas qu’on les dépouille de ces trésors. C’est pourquoi je vous suggère, à vous les Pandavas, d’accepter de vivre en mendiants pour épargner au monde une guerre dévastatrice.

À ces mots, Krishna prit la parole:

— Ô Sañjaya, sache que je veux pour les fils de Pandou la prospérité à laquelle ils ont droit, et non la ruine. Et que j’aspire à la même chose pour les Kourous. Il s’avère toutefois que les fils de Dhritarashtra ont les Pandavas en aversion. Aussi la paix entre les deux familles est-elle devenue impossible. Comment oses-tu insinuer que Youdhishthira n’aspire qu’au pouvoir et à la gloire? Son cœur est pur, et le devoir d’un kshatriya est de protéger les faibles. Sans compter que Duryodhana a usurpé le royaume des Pandavas, et qu’il ne peut malheureusement que payer ce crime de sa vie.

Les Kourous auraient gagné ma sympathie s’ils avaient tenté d’empêcher l’infâme partie de dés et l’humiliation de Draupadi, mais ils ne l’ont pas fait – ni Bhishma, ni Drona, ni Dhritarashtra. J’irai moi-même tenter de résoudre ce conflit. S’ils m’écoutent et suivent mes conseils, tout ira très bien. Sinon, ils devront se préparer à périr par les armes de Bhima et Arjuna.

Le roi Youdhishthira dit alors à Sañjaya:

— Informe Duryodhana qu’il a deux choix, à savoir me rendre la part du royaume qui me revient de droit ou faire la guerre. En ce qui nous concerne, faire la paix demeure notre plus profonde aspiration. Tant et si bien que si Duryodhana ne veut pas nous donner toute une province, qu’il nous donne seulement cinq villages à administrer. Cela suffirait pour éviter un affrontement mortel.

En territoire hostile

Sañjaya retourna alors à Hastinapoura afin de livrer aux Kourous le message des Pandavas. Les anciens parmi les Kourous, dont Bhishma et Drona, se montrèrent désireux de faire la paix avec les Pandavas, mais Duryodhana sortit du palais en colère: il ne donnerait absolument rien à ses cousins, pas même assez de terre pour y planter une aiguille.

Comme promis, Krishna se rendit lui-même à Hastinapoura pour tenter d’apaiser les esprits rebelles. Informé de sa venue, le roi Dhritarashtra demande à son fils d’accueillir le Seigneur d’une façon digne de son rang. Sur les conseils de son père, Duryodhana fait donc ériger le long de la route des pavillons finement décorés. Il fait aussi préparer à l’intention de son hôte les mets les plus fins, croyant ainsi s’assurer les faveurs de Krishna.

Le sage Vidoura dit alors à Dhritarashtra:

— Bien que tu reçoives Krishna en grande pompe, ton but n’est pas vraiment de lui plaire. Les Pandavas sont prêts à n’accepter que cinq villages, ce que tu leur refuses. Tu tentes d’acheter le Seigneur des seigneurs avec de piètres richesses, ignorant que Krishna n’appréciera point ton hospitalité car elle ne vient pas du cœur. Si tu tiens vraiment à lui plaire, écoute-le et accède à sa requête.

Duryodhana s’empresse alors de prendre la parole:

— N’en faites surtout rien, père. Demain, dès que Krishna se présentera au palais, je l’emprisonnerai sans autre forme de cérémonie. Le monde entier sera ensuite à mes pieds.

Furieux d’entendre de telles inepties, le grand Bhishma, présent dans la pièce, quitte aussitôt les lieux.

Des civilités teintées d’amertume

Le lendemain, les Kourous – à l’exception de Duryodhana – et les autres citoyens d’Hastinapoura sortirent accueillir Krishna dans leur ville. Puis, le Seigneur pénétra dans le palais, où se trouvaient plusieurs rois et princes. On lui offrit aussitôt un siège en or incrusté de joyaux multicolores et diverses marques d’hommage dignes de son rang.

Après s’être entretenu brièvement avec les Kourous, Krishna quitta les lieux pour se rendre chez Vidoura, qui accueillit chaleureusement le Seigneur. Ils échangèrent un long moment, après quoi Krishna alla offrir ses respects à Kounti, la mère des Pandavas, elle qui avait tant souffert des agressions de Duryodhana contre sa famille. Krishna la réconforta en lui donnant des nouvelles de ses fils.

Puis, le Seigneur retourna au palais et tous se levèrent pour l’accueillir. Dans le vil espoir de l’amadouer et de le gagner à sa cause, Duryodhana saisit l’occasion pour inviter Krishna à partager un repas avec lui, mais Krishna décline son invitation. Offusqué, Duryodhana lui en demande la raison, et le Seigneur lui répond:

— Je ne vois aucun amour dans tes gestes. Depuis ta naissance, tu jalouses les Pandavas, qui pourtant abondent en qualités. Or, qui déteste les Pandavas me déteste aussi. Tes offrandes sont imprégnées de malveillance, et c’est pourquoi je ne peux les accepter.

Ayant ainsi parlé, Krishna se leva pour se rendre chez le sage et dévoué Vidoura y prendre son repas.

La mission diplomatique s’annonçait difficile…

À suivre…

L’épopée du Mahabharata – Épisode 62