Suite de la série consacrée à l’exploration de la conscience, de sa nature, de son siège et de sa fonction, de même qu’à l’état des connaissances et à la perspective des Védas en la matière.
Voir le volet précédent.
Le philosophe David Hume, un des fondateurs de l’empirisme moderne, considérait le moi comme l’expression d’un ensemble d’expériences, sans référence à une quelconque entité à l’origine des expériences ainsi vécues. Les Védas sont à la fois en accord et en désaccord avec cette proposition. Il est vrai que les expériences vécues contribuent à façonner le moi, mais le moi qui émerge des expériences vécues en cherchant à satisfaire des besoins et des désirs d’ordre strictement sensoriel, émotionnel et intellectuel est aussi fugace et dénué de substance que les expériences elles-mêmes.
Le moi né du sentiment que les choses et les êtres existent pour que nous nous les approprions et pour que nous en jouissions est illusoire, puisque rien ne nous appartient vraiment, du moins pas de façon permanente, et que jamais nous ne pouvons jouir de façon constante et durable de nos biens et de nos relations avec autrui. Ainsi en est-il de la vie en ce monde. Cela dit, même cette notion du moi, que les Védas qualifient de «faux ego» (ahankara), est une construction psychique tout à fait réelle qui n’a rien de physique ou de moléculaire. Elle est en fait constituée d’énergie mentale subtile, aussi appelée matière psychique, et se veut le reflet du vrai moi qui s’exprime à travers le corps matériel.
Ce concept d’énergie mentale subtile ne pouvant être attribué à aucun organe physique rejoint le dualisme des propriétés de David Chalmers, qui explique en quoi les propriétés mentales, ou psychiques sont distinctes des propriétés physiques, bien que nombre de scientifiques persistent à croire que le mental et, à ce compte, la conscience, sont indissociables du cerveau et n’existent que par lui.
Quoi qu’il en soit, les Védas expliquent que le faux moi auquel nous nous identifions n’en repose pas moins sur le vrai moi, à savoir le témoin et l’agent de toute action et expérience en ce monde, que les Puranas et les Upanishads appellent l’âme (atma). C’est ce vrai moi qui anime le monde de la pensée et qui donne un sens aux expériences que nous vivons. Il n’est autre, à vrai dire, que la conscience à l’état pur. Il transcende les dimensions tant physiques que psychiques. C’est de lui qu’émane la proclamation «je suis» ainsi que la certitude d’être. C’est encore lui qui alimente la dimension psychique à travers laquelle nous vivons les expériences que nous vivons, de la façon particulière dont nous les vivons, ainsi que la dimension physique à travers laquelle nous agissons.
Physique ou psychique,
la matière n’est toujours que matière
Revenons sur la notion de matière psychique, le terme employé en psychologie pour désigner l’ensemble des contenus mentaux et des processus qui forment l’esprit d’une personne. Invisible par définition, sans pour autant être intangible, la matière psychique reçoit l’éclairage de la conscience, et c’est cet éclairage qui détermine la teneur et la portée de nos expériences subjectives, lesquelles façonnent notre faux ego et sous-tendent les formes que prend à nos yeux la matière physique.
La matière psychique ne saurait exister en vase clos. Elle n’a aucune substance en soi. Seule la conscience qui l’éclaire existe comme tel en tant que siège de l’expérience. Sans la conscience, la dimension psychique de la matière cesse d’être le théâtre de quelque expérience qualitative que ce soit.
Du point de vue de la science, la croyance sans doute la plus répandue est que la conscience – qu’elle confond habituellement avec le mental – n’est qu’une propriété émergente de la matière physique, et qu’elle lui est donc inhérente. Se pourrait-il qu’il en soit vraiment ainsi? Après tout, on a déjà vu des phénomènes plus étranges.
À suivre...